La vente de Chioso alla Chiesa


La loi du 9 décembre 1905 mettait fin au concordat de 1801 qui associait l'église catholique française à l'État. Cette loi s'inscrivait dans une tradition républicaine remontant à la Révolution, elle était l'aboutissement du long processus de laïcisation de la société et de l'État français.

Les biens détenus jusqu'alors par les églises deviennent la propriété de l'État. Celui-ci se réserve le droit de les transférer aux associations  culturelles qui peuvent en jouir gratuitement. Un grand nombre d'édifices religieux furent alors mis à la disposition des Églises, d'autres biens furent vendus. Ce fut le cas de deux terrains d'Antisanti, quelques années plus tard, comme le montre l'affiche apposée à cette époque :

Commune d'ANTISANTI


 

Département de la Corse
Bureau des Douanes
de VEZZANI

Vente des biens de l'ÉTAT


(Loi du 1er Juin 1864)

L'AN 1913, le 8 du mois de Juin,

 

à onze heures, en la salle de la MAIRIE d'ANTISANTI, il sera procédé par M le Maire de cette commune, spécialement délégué à cet effet par M le Préfet de la Corse, en présence de M le Directeur des Domaines ou de son représentant :

A la vente aux Enchères Publiques

des Immeubles ci-après désignés ayant appartenu aux FABRIQUES d'ANTISANTI et de VEZZANI :

Premier lot :

Propriété connue sous la dénomination de "BUSSANI" située sur la Commune, d'une contenance de 3 ha 17 a 90 ca, portée au cadastre n° 1 à 7 section E.

Deuxième lot :

Une pièce de terre labourable dite "CHIOSO ALLA CHIESA", d'une contenance de 1 ha 30 a, portée au cadastre sous le n° 957 Section E.

......

En réalité, les biens de l'Église appartenaient aux fabriques. La fabrique était une association de laïcs qui gérait les biens de la paroisse. Supprimées lors de la révolution Française, les fabriques d'église furent restaurées par Napoléon par le concordat du 16 juillet 1801 avec le Saint-siège et par le décret du 30 décembre 1809. Le conseil, dont le maire et le curé étaient membres de droit et qui se composait encore de 5 membres élus pour 6 ans, s'occupaient des biens mobiliers et immobiliers de l'église. Il établissait un budget détaillé contrôlé par l'État. Il portait en recettes la vente des cierges, la location des chaises, les dons et les héritages etc... La fabrique s'occupait aussi des travaux d'amélioration et d'entretien de l'église. Le conseil de fabrique a disparu en 1906.

La propriété Bussani a été reprise par l'État en vertu de l'article 5, 1er alinéa de la loi du 5 décembre 1905 prononçant la séparation de l'Église et de l'État (jugement du Tribunal de Corte du 1er décembre 1908).

La présence de la fabrique de Vezzani se comprend mieux si l'on se souvient qu'il existait depuis longtemps un litige entre les communautés d'Antisanti et de Vezzani au sujet de la propriété de ce terrain. C'est ainsi qu'en 1782, un commission des limites fut réunie afin de statuer. Les Antisantais y produisirent un acte de location remontant à 1643, dans lequel Bussani est dit territoire d'Antisanti ; les Vezzanais répliquèrent en présentant des actes montrant que Bussani avait toujours appartenu à leur communauté.

La parcelle Chioso alla Chiesa a fait retour à l'État en date du 23 Avril 1909.

Comme le signale le Procès verbal d'adjudication, la vente se fit à la chandelle, le premier lot a été attribué à la Famille Risterucci, le second à la famille Franchi.

Procès Verbal de l'adjudication.

En l'an 1913, le 8 juin, à 11 heures,

En la salle de la Mairie d'ANTISANTI par devant M VINCENTI Alexandre, Maire de la Commune d'ANTISANTI, spécialement délégué par M le PRÉFET de la Corse,

En présence de M CORDEBARD André, Receveur des Domaines à VEZZANI, représentant M le Directeur des Domaines à AJACCIO,

Après lecture du Cahier des Charges, il a été procédé à l'Adjudication aux Enchères des immeubles désignés:

1er lot : BUSSANI

............

2ème lot : CHIOSO ALLA CHIESA

Et deux bougies s'étant successivement éteintes sur l'offre faite par FRANCHI Jean Ange, propriétaire à ANTISANTI, se portant fort pour son fils FRANCHI François, agent de police, l'immeuble lui a été adjugé au prix de 1 200,25 f.

Le Maire

signé VINCENTI

L'adjudicataire

signé FRANCHI Jean Ange

Le Receveur des Domaines

signé CORDEBARD

 

Enregistré à VEZZANI, le 12 Juin 1913

Les ventes aux enchères se faisaient (comme elles se font encore quelquefois) en utilisant une bougie allumée. Les enchères se faisaient tant que la bougie était allumée. S'il n'y avait plus d'enchérisseurs, il fallait néanmoins attendre que la bougie s'éteigne pour décréter effectivement la vente faite. Tant qu'il y avait des enchérisseurs, on rallumait la bougie.