Puzzichello
Ici Puzzichello, là Guagno, Guitera,
Plus loin Pietrapola, le vallon d'Orezza,
Offrent à nos douleurs de généreuses sources.
.........
Venez et plongez-vous dans l'onde bienfaisante ;
Vous aurez votre part de sa vertu calmante.
Casimir de L'Église de Félix,
"Souvenirs de la Corse, de 1852 à 1867",
impr. de Ollagnier, Bastia, 1868
Comme le signale le N°7 de la revue municipale d'Antisanti
en date du mois de
Juillet 2000 :
La commune d'ANTISANTI a pris l'initiative de relancer la
source thermale de PUZZICHELLO.
En partenariat avec la commune d'AGHIONE, un SIVU a été créé.
Les représentants des deux communes se sont réunis à la mairie d'AGHIONE le 22 mai
2000 pour formaliser cette décision.
Le maire d'AGHIONE, M Jean BALDOVINI, a été élu président, et Mme Marthe MARIANI
vice-présidente.
L'objet du SIVU est la relance du site thermal, avec le Département, propriétaire de
la source, et la mise sur pied d'un projet simple, réaliste et rapide.
La mise en valeur de ce site est de nature à participer au développement économique
de la commune.
Située à quelques kilomètres
d'Aléria, à la limite des communes d'Antisanti et d'Aghione, le site de Puzzichello doit
être connu depuis les temps les plus anciens de la Corse (1).
Situé à moins de dix kilomètres
du village d'Aléria, il n'est pas douteux que les Romains qui y avaient un
de leurs principaux établissements, et qui s'étaient répandus dans toute
la Corse, occupant notamment, les plaines et les exploitant, ont connu les
eaux de Puzzichello et en ont tiré parti. Cependant, selon certains
auteurs, les romains n'avaient pas découvert les propriétés curatives de
la source froide de Puzzichello. En effet, ils n'auraient utilisé que les
propriétés thermiques des eaux chaudes, ne recherchant pas une action
curative interne, mais seulement le bien être de l'effet balnéaire. Ce qui
conduit à le croire, c'est qu'on a découvert, en exécutant des travaux
pour réunir les filets d'eau sulfureuse, des monnaies, des débris d'armes
et même des conduites en terre cuite paraissant remonter à une date très
lointaine (2).
Les eaux de Puzzichello ne furent
découvertes, ou redécouvertes, que vers la moitié du XIIIe
siècle, d'une manière fort originale dont Thomasina Campbell a pris
connaissance lors d'un voyage en Corse en 1868 et qu'elle rapporte (3) :
D'après la tradition la forte odeur du soufre qui s'échappait
des sources, éloignait les paysans effrayés, et les chèvres seules, voulaient
s'approcher de la colline d'où coulaient ces eaux. A l'époque d'une drieuse épizootie
survenue aux troupeaux de la plaine d'Aleria, un chevrier remarqua que quelques unes de
ses bêtes allaient souvent se plonger dans ces eaux, et qu'en quelques jours les ulcéres
dont elles étaient atteintes disparaissaient entièrement : ayant soumis les autres
chèvres malades au même traitement, elles ne tardèrent pas à être guéries comme les
autres.
Mais peu après, ces eaux sont signalées comme
convenant à des destinations plus nobles par un prêtre-médecin,
Pantalacci, de Vivario, qui avait appris la médecine comme la théologie,
des meilleurs maîtres italiens et allemands, à Gênes.
L'abbé docteur Pantalacci obtenait, d'après la
tradition orale, de nombreux succès en envoyant à Puzzichello les
malades ulcéreux, fort nombreux à celte époque où les soins
hygiéniques étaient généralement négligés. Il finit même par se
retirer dans la plaine et par habiter presque continuellement sa maison de
Quarcielo, à quelques centaines de mètres de la source. Il y mourut en
1800.
Le premier médecin qui laissa des écrits sur
les qualités thérapeutiques de Puzzichello est le docteur Vannucci, de
Corte, qui publia en 1838 un tableau topographique et médical de l'île
de Corse, où est donnée une statistique des effets physiologiques de la
source. C'est sans doute au docteur Vannucci qu'on doit le premier
classement officiel de Puzzichello. qu'on fait remonter à 1820, parce que
c'est à cette date qu'on repéra, toujours officiellement deux sources
d'eaux sulfureuses froides.
C'est d'ailleurs à peu près à la même époque
que sont découvertes la plupart des eaux thermales corses, de droit
propriétés du département, qui les concéda successivement et
rapidement, en quelques années, à des particuliers qui s'étaient
engagés à les outiller et à les exploiter.
Les observations minutieuses du docteur Vannucci
éveillèrent la sollicitude de l’administration, et dès 1840 le
département faisait la concession des eaux à M. Filippini. Il fit
aussitôt construire à côté des eaux de la source un vaste bâtiment
renfermant des cabinets de bains, fort convenablement distribués, et sur
un plateau qui domine la source, une maison d’habitation assez spacieuse
pour recevoir un grand nombre d’étrangers.
Le 24 Août 1853, dans une délibération le Conseil
Général de la Corse émet la proposition suivante qu'elle adresse au Ministre de
l'Agriculture :
On ne peut parvenir à connaître tout le parti que l'on peut
tirer des eaux minérales, si elles ne sont étudiées sur les lieux par des hommes
spéciaux, possédant les connaissances les plus étendues en hydrologie.
Il semble au Conseil général que M. Constantin James, auteur d'un
ouvrage remarquable ayant pour titre : Guide pratique aux eaux, pourrait entreprendre
cette étude avec succès, et que les résultats seraient d'une grande utilité pour la
Corse et pour les malades du midi de la France.
Il prie donc Son Excellence le Ministre de l'Agriculture et du
Commerce d'engager le savant distingué dont il est parlé, à se rendre dans le
département, afin d'y étudier l'action thérapeutique de toutes les eaux minérales,
près des sources mêmes, et de publier ensuite le résultat de ses études et de ses
expériences.
C'est ainsi que durant l'année 1854, Constantin James fera le voyage de
Paris à Aléria pour étudier la composition et les propriétés des eaux de Puzzichello.
Il décrira ainsi son voyage (4) :
Pour aller de Paris en Corse, il faut de 40 à 42 heures, soit
20 heures en chemin de fer jusqu'à Marseille et le reste en bateau à vapeur jusqu'à
Ajaccio ou Bastia. Voilà du moins ce qu'on vous promet ; mais la traversée exige
habituellement beaucoup plus de temps. Ainsi j'ai mis 32 heures pour aller de Marseille à
Ajaccio.
Au sujet des eaux de Puzzichello, il écrira (1) :
Il y a deux sources principales. On est averti de leur nature
sulfureuse par l'odeur caractéristique qu'elles répandent au loin. Elles sont voisines
l'une de l'autre, toutes dent froides à 14 degrés centigrades ; leur saveur est
styptique. L'une de ces sources a une limpidité parfaite, l'autre offre une teinte un peu
grisâtre par suite de quelques flocons sulfureux qu'elle tient en suspension.
D'après la remarquable analyse de M. Loetscher, professeur à l'école Paoli, ces eaux
contiennent par litre 0 gramme 0473 de gaz sulfhydrique, quelques sels à base de soude et
de magnésie, et une matière bitumineuse particulière ; elles laissent dégager au
griffon de l'acide carbonique et du protocarbure d'hydrogène ; enfin elles seraient
riches en barégine. Cette eau paraît douée d'une grande énergie. Bue à la dose de
plusieurs verres, elle éveille l'appétit, produit une sensation agréable de chaleur qui
se répand vers toute la périphérie du corps, accélère le mouvement du sang et
augmente les sécrétions.
Chez quelques malades, elle purge légèrement dans les premiers jours ; chez presque
tous, elle ne tarde pas à congestionner les plexus veineux du rectum, ou même à
provoquer un flux hémorroïdal. Puzzichello n'est pas sans quelques analogies avec
Schinznach.
Puzzichello jouit d'une grande efficacité dans le traitement de la plupart des
maladies cutanées, surtout quand elle s'accompagnent d'ulcérations atoniques et
serpigineuses.
On a vu également à Puzzichello des goutteux qui se sont trouvés à merveille de ces
eaux.
Elle favorisent la disparition des tophus et rendent les attaques plus rares et moins
douloureuses.
D'autres états morbides sont plus ou moins profondément modifiés par les eaux de
Puzzichello. Ce sont les éruptions répercutées, les anciens flux supprimés, surtout le
flux hémorroïdal, à cet égard, nous n'hésitons pas à mettre Puzzichello sur la même
ligne que Marienbad. Ce sont encore les accidents syphilitiques ou mercuriels, les
scrofules, tumeurs indolentes et certains engorgements des viscères abdominaux. Ces eaux
offrent par conséquent à la thérapeutique de très précieuses ressources.
Or combien peu de médecins, même en France, savent seulement qu'elles existent !
Et en 1867, dans son Guide pratique aux eaux minérales et aux
bains de mer, il écrit (4) :
Les eaux de Puzzichello sont situées prés de Casaghianda, non
loin du chemin de Ceinture qui longe la côte orientale de la Corse. Il y a deux sources
principales, voisines l'une de l'autre, toutes deux froides (14°C) ; leur saveur est
styptique et nauséeuse. Elles renferment 0lit,030 de gaz acide carbonique
libre et des carbonates alcalins. J'y ai trouvé de plus une matière bitumineuse
particulière.
Puzzichello possède
un établissement thermal comprenant dix-sept baignoires, une piscine, une douche
ascendante, deux buvettes et une salle pour l'emploi du limon des sources.
Bue à la dose de plusieurs verres, cette eau purge légèrement dans les premiers
jours ; souvent aussi elle congestionne le plexus veineux du rectum ou même elle provoque
un flux hémorroïdal. Les bains sont toujours administrés conjointement avec la boisson.
On traite avec succès à Puzzichello la plupart des maladies cutanées, surtout quand
elle s'accompagnent d'ulcérations atoniques et serpigineuses. L'action des bains est
puissamment secondée dans ce cas par l'application, sous forme de topique, du limon des
sources pur ou incorporé dans de l'axonge. On en recouvre les surfaces dénudées, et
bientôt celles-ci s'animent, se détergent et se cicatrisent.
Puzzichello n'est qu'à une petite distance d'Aléria. On visitera avec intérêt les
ruines de cette antique cité, fondée par Sylla, et tant de fois ravagée par les divers
peuples qui ont conquis la Corse sans la subjuguer.
A cette époque, le nouvel hôtel de Puzzichello offre un confort
rustique (5) :
Du Migliaciaro nous allâmes à Puzzichello en chassant le long
des maquis. Nous entrâmes au soleil couchant dans une petite vallée au-dessus de
laquelle se dessinait une vaste maison blanche. C'est l'établissement de bains d'eau
minérale de Puzzichello. Le régisseur nous fit préparer deux petites chambres propres,
blanchies à la chaux et garnies de lits en fer.
Mais la décoration et le mobilier de l'hôtel de Puzzichello sont ceux
d'un palace par rapport aux cabanes misérables qu'habitent alors les bergers (5) :
Dans un rayon d'une lieue autour de Puzzichello sont répandues
quelques cabanes de bergers dont les chiens à oreilles droites et à longs poils servent
à la fois de meute et de limiers. Les cabanes de ces pasteurs sont construites de
quelques pieux fichés en terre, sur lesquels on établit un lit de bruyères et de cistes ; on recouvre le tout d'une couche de terre de façon à intercepter tout à fait la
circulation de l'air. J'ai vu de ces cabanes qui contenaient des familles de sept à huit
personnes. Le feu est placé devant la porte qui sert en même temps de cheminée. A coté
de l'habitation, une cave grossièrement construite sert à enfermer les fromages.
En 1857, dans un ouvrage remarquable, Jean de la Rocca vante les
mérites des bains de Puzzichello et les améliorations apportées par le propriétaire
Philippi (1) :
Les eaux de Puzzichello, situées dans un vallon, non
loin du chemin de ceinture qui longe la côte orientale de la Corse sont très-efficaces
et ont été fréquentées par de nombreux baigneurs dès la plus haute antiquité. Les
sources sont au nombre de deux et jaillissent du pied d'une colline située du côté de
la mer, à une petite distance d'Aléria : de là des conditions de salubrité laissant
malheureusement beaucoup à désirer.
Dans le principe il y avait à Puzzichello peu de confortable ; à peine remarquait-on
quelques piscines mal conditionnées où on se baignait pêle-mêle et quelques
misérables tentes couvertes de broussailles. Depuis 1840 les choses ont changé. M
Philippini propriétaire de ces eaux a fait construire un établissement thermal qui ne
manque pas d'avoir une certaine élégance ; il se compose de dix-sept baignoires.
A peu de distance de cet établissement on remarque, au delà d'un ruisseau qui se
jette dans le Tagnone, un magnifique édifice qu'habitent les baigneurs.
Ces deux établissements sont entourés de
beaux jardins, de belles plantations qui récréent d'autant plus la vue que la plaine
environnante offre le triste spectacle d'une vaste plage déserte, sans habitation ni
culture.
Il y a Puzzichello deux saisons, comme à Pietrapola. La première commence le
1er mai
et se prolonge tout au plus jusqu'à la fin de juin. La seconde s'ouvre vers le 15
septembre et se ferme le 30 octobre.
Cependant, en 1881, énumérant les ressources de la Corse et après
avoir vanté les bienfaits de l'eau d'Orezza, Victor-Adolphe Malte-Brun, ancien
secrétaire général de la Société de Géographie de Paris, n'accorde que quelques mots
à la source de Puzzichello (6) :
Du même coté, et près d'Aléria, il y a une autre source
d'eau sulfureuse froide, riche en gaz acide sulfhydrique. Elle est connue sous le nom de
Puzzichello.
Il est vrai qu'il s'agit d'un ouvrage plus général et que chaque
département est traité en une trentaine de pages.
En 1889, le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales décrit
les propriétés des bains de Puzzichello et indique la présence de trois sources (7):
PUZZICHELO (EAUX MINERALES DE). Athermales ou prothothermales,
amétallites, ferrugineuses faibles, sulfureuses faibles (en Corse, dans l'arrondissement
de Corte, à 80 kilomètres de Bastia, dans la commune d'Antisanti). La saison thermale
commence le 15 mai, s'interrompt en juillet, et reprend le 1er octobre pour se terminer à
la fin de novembre. La saison est interrompue pendant les mois de juillet, d'août et de
septembre, à cause surtout de l'apparition de fièvres intermittentes, endémiques alors
dans la contrée. Trois sources, exploitées depuis le commencement du dix-huitième
siècle, émergent d'un terrain argilo-calcaire. La principale se nomme : Acqua grigia (eau grise), la seconde, Acqua solforosa (eau sulfureuse), la troisième, Acqua
ferruginosa (eau ferrugineuse). Ces sources, quoiqu'elles soient très rapprochées l'une
de l'autre et sortent d'un terrain à peu près semblable n'ont pas les mêmes
propriétés physiques. Les deux premières se rapprochent beaucoup par leur composition
chimique, mais la troisième, dont le point d'émergence est le plus éloigné, a toutes
les qualités d'une eau naturellement ferrugineuse. L'acqua grigia a une grand limpidité,
malgré sa coloration? L'eau de la seconde a un aspect louche, surtout quand on la voit en
masse ; il semble qu'elle est mêlée à une petite quantité de lait. Ces deux sources
sont traversées par des bulles gazeuses très distinctes. Les unes sont grosses et
composées d'acide carbonique et d'azote ; les autres sont très fines et sont formées
par de l'hydrogène sulfuré. Elles ont toutes deux une odeur et une saveur très
hépatiques ; elles laissent déposer de nombreux flocons et quelques filaments assez
ténus, composés : les premiers par de la barégine, et les seconds par de la sulfuraire.
La température est de 17°,4 centigrade. La densité de l'eau de ces deux sources
examinée au griffon est de 1,0165 , tandis qu'elle est dans les réservoirs de 1,00280.
Leur débit en vingt-quatre heures est de 15000 litres. Lötscher en a fait en 1851
l'analyse chimique. Il a trouvé, dans 1000 grammes de l'eau de l'Acqua grigia, les
principes suivants :
Bicarbonate de chaux
Bicarbonate de magnésie
Sulfate de soude
Sulfate de chaux
Sulfate de magnésie
Chlorure de sodium
Chlorure de magnésium
Acide silicique
Matière bitumineuse
Glairine Total des matières fixes
Gaz : acide sulfhydrique
azote |
0,2175
0,1010
0,1314
0,0999
0,0107
0,0692
0,0124
0,0099
0,0045
quant.ind. 0,6865
0lit,030
quant.ind. |
ÉTABLISSEMENT. L'établissement de Puzzichello est
très bien installé et sur la hauteur qui est en face se trouve la maison où habitent
ceux qui viennent faire la cure. On y jouit d'une rue magnifique. L'établissement abrite
deux belles vasques qui servent à la fois de buvettes et de réservoir pour l'eau
destinée aux bains et aux douches. Il contient encore dix-sept cabinets, munis chacun
d'une baignoire, et une salle, au milieu de laquelle ont été creusé une belle et grande
piscine et deux cabinets : le premier est munie d'appareils de douches ascendantes, et le
deuxième, de douches descendantes et horizontales. Une cloison est entre la pièce des
douches descendantes et les deux chaudières dans lesquelles on chauffe artificiellement
l'eau des sources sulfureuses de Puzzichello. L'établissement se complète par une salle
spéciale où s'administrent les bains de barégine ou de sulfuraire ; ces principes
servent quelquefois en cataplasmes.
MODE D'ADMINISTRATION ET DOSES. Les eaux sulfureuses de Puzzichello se prennent à une
dose qui, en général, ne dépasse pas trois verres ingérés le matin à jeun, de
demi-heure en demi-heure. Nous ne donnons aucun détail sur l'administration de l'eau de
la source ferrugineuse, qui rentre dans la loi commune des autres eaux bicarbonatées
martiales. L'effet physiologique le plus saillant des eaux sulfureuses de cette station
est la purgation qu'elles déterminent même lorsqu'elles sont ingérées en quantité peu
considérable, tandis que les eaux sulfureuses constipent le plus souvent. La durée des
bains de baignoire ou de piscine varie d'une demi-heure à une heure ; celle des douches
de cinq à quinze minutes. Les cataplasmes du limon des sources restent en contact
immédiatement avec la peau pendant un temps plus on moins prolongé, suivant les
résultats que l'on veut produire. Ces cataplasmes doivent être recouverts de gaze ou
d'étoffe légère, quand ils déterminent une irritation trop violente.
EFFETS PHYSIOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. Toutes les eaux minérales sulfureuses sont
excitantes, surtout quand elles ne renferment ni barégine ni sulfuraire. Les eaux de
Puzzichello agissent comme les eaux sulfureuses ordinaires malgré la quantité notable de
glairine et de sulfuraire qu'elles contiennent en solution on qu'elles laissent
précipiter. Ainsi ces eaux, surtout en bains, sont excitantes des systèmes sanguin et
nerveux. Les bains, les douches et les cataplasmes manifestent promptement leur activité
sur les parties de la peau avec lesquelles ils sut en contact. Cette action irritante
s'observe même sur les animaux. A l'intérieur, ces eaux congestionnent promptement les
veines hémorroïdales ; à l'extérieur, elles détergent vite les ulcères atoniques et
favorisent la formation de bourgeons charnus. L'excitation étant la caractéristique des
sources de Puzzichello, les médecins de cette station les emploient avec le plus de
profit dans les maladies cutanées qui doivent être ramenées à un état aigu ou subaigu.
Enfin, dans une conférence donnée en 1973 à Cervioni, le Docteur Alain Guermonprez
répertorie les propriétés thérapeutiques des eaux de Puzzichello et signale quant à
lui la présence de quatre sources (8) :
SITUATION.
Les bains de PUZZICHELLO sont situés sur la commune d'AGHIONE. La station comprend
quatre sources.
Les sources exploitées ont un débit de 15 000 litres par jour. Leur captage est très
simple, quasi naturel. Elles sont distantes d'un mètres. Leur composition chimique est
différente.
Source gauche : elle jaillit de la roche par une gargouille simple de pierre. Au
toucher, l'eau est très onctueuse. Son aspect est légèrement trouble, louche, de
couleur opaline. Elle charrie d'abondants flocons gris de nature bitumineuse et de la
glairine. En aval, après un contact avec l'air elle devient nettement trouble et
laiteuse.
Source de droite : de débit à peu près identique à la précédente. Son eau est
limpide et claire.
Dans ce vallon encaissé, l'odeur d'hydrogène sulfuré, émanation des sources, est
très prononcée. Elle est perçue de loin. Au goût, les eaux sont aigrelettes et amères
mais non désagréables. Leur température d'émergence est de 17°.
PROPRIÉTÉ THÉRAPEUTIQUE.
INDICATION :
Les eaux de PUZZICHELLO sont comparables aux eaux d'ENGHIEN et ALLEVARD quoique plus
riche en H2S.
Leur composition chimique présume de leurs vertus thérapeutiques qui sont très
puissantes.
ACTION GÉNÉRALE :
Leur rôle dans la nature paraît de première importance. Il y a d'abord une action
ANAPHYLACTIQUE démontrée expérimentalement, mais ses trois effets primordiaux sont :
1. une action plastique ou anabolique. Le soufre qui fait partie intégrante de chaque
molécule organique, et en particulier de l'hémoglobine, agit sur la trophicité
générale de l'organisme.
2. Une action énergique ou catabolique. Le soufre ne pénètre dans l'organisme que
sous forme d'hydrogène sulfuré par le tube digestif, la peau, très oxydé.
3. Une action sur le système nerveux végétatif.
ACTION LOCALE :
Quelque soit son mode d'adsorption, le soufre s'élimine au niveau de la muqueuse
respiratoire sous forme d'hydrogène sulfuré.
1. Sur les sécrétions qui après exacerbation au cours de la crise thermale se
tarissent.
2. Sur la circulation par vasodilatation de la muqueuse.
3. L'hydrogène sulfuré agirait sur les terminaisons nerveuses en les anesthésiant,
en calmant la douleur et l'irritabilité de la muqueuse.
4. Enfin, expérimentalement, les eaux sulfurées agiraient en décontractant la
bronche isolée.
5. Nous rattacherons à cette action modificatrice le rôle fibrolytique que joue le
soufre sur l'élément soléreux si important dans les maladies respiratoires.
En O. R. L.
Coryza chroniques coryza aigus, à répétition, ozène et rhinite atrophique simple,
rhinites congestives et hyperesthésies pituitaires.
Rhino-pharyngites chroniques, pharyngites chronique granuleuse ou hypertrophique,
amygdalite lacunaire caséeuse, hypertrophie des amygdales de l'adulte et de l'enfant,
hypertrophie localisée ou diffuse des végétations.
Surdités rhinogènes.
Laryngites chroniques, catarrhale, granuleuse ou hypertrophie, dans les laryngites
chroniques où le traitement hydrominéral est le seul efficace.
En PNEUMOLOGIE.
Bronchite chroniques catarrhales essentielles ou séquelles d'une maladie infectieuse
déterminée.
Dilatation des bronches avec broncorrhées importantes.
Emphysème pulmonaire, asthme bronchique.
En RHUMATOLOGIE.
En DERMATOLOGIE.
L'eczéma chronique (forme sèche et squameuse) est l'affection qui en bénéficie le
plus.
Le psoriasis pour sa part doit demeurer une indication de choix car l'association
soufre-soleil est excellente dans cette affection.
Citons encore parmi les affections dermatologiques :
· Acné
· Prurigo
· Urticaire
· Pityriasis
· Impétigo
· Furonculose
· Ulcérations atones, ulcère variqueux
· Kératose, parakératoses diffuses (ichtyose) ou régionales.
ÉQUIPEMENT.
L'établissement thermal de PUZZICHELLO était pittoresque et typiquement corse. Il
était composé de lauzes (plaques de micaschistes qui recouvrent les toits en
architecture traditionnelle corse).
Ce que ne disent pas ces auteurs, c'est l'activité des
bains et la vie des curistes et des employés. On nous a signalé, par
exemple, que la boue était extraite par des enfants dans un souterrain
qui passait sous les baignoires.
En 1889, Madame Colombani, maîtresse d'hôtel à Bastia
se voit confier la gérance de l'établissement comme le rapporte Le Petit
Bastiais (9) :
Les propriétaires des Eaux thermales de
Puzzichello ont l’honneur d’informer leur nombreuse clientèle qu’ils
viennent de confier l’exploitation de leur établissement à Mme
Adélaïde Colombani, maîtresse d’hôtel à Bastia...
Notons que le journaliste se félicite que la durée du
voyage depuis Bastia ne prenne que 4 heures :
Les baigneurs sont informés que par suite de l’ouverture
de la ligne orientale du chemin de fer il ne faut plus que 4 heures pour
se rendre de Bastia à Puzzichello
C'est sans compter les difficultés de l'accès à
Puzzichello que rapportera le docteur Macé lors de son voyage en 1892.
Après avoir pris son train à Bastia à 8 h 30, il rejoint la gare d'Aleria (10) :
De la gare on se rend en voiture à Puzzichello en
quelques minutes, mais non sans difficulté, car il faut traverser à
gué la rivière Tagnone. Le vigoureux petit cheval corse qui nous
conduisait avait de l’eau jusqu’au poitrail...
La rivière traversée, la route est très courte. Mais quelle route !
Le char à bancs que montaient deux de mes compagnons de voyage y versa.
Nous voilà arrivés. Une belle allée de platanes conduit à la
terrasse qui s’étend levant la maison qui sert d’abri aux baigneurs
et qui est décorée du titre le Grand-Hôtel de Puzzichello....
L'artiste qui a mis l’enseigne sur la porte de l’hôtel ne s’est
pas mis en frais de pinceau, ni de peinture. C'est à l’aide du doigt
trempé dans l’encre qu’il a écrit sur la porte : Grand-Hôtel de
Puzzichello.
L'établissement balnéaire se compose de deux demi-rotondes séparées
l’une de l’autre par la buvette.
Ces rotondes comptent six baignoires chacune, je veux dire six trous
creusés en terre et dont les parois sont revêtus de briques. Entre ces
deux rotondes se dressent quatre colonnes qui servent de support à des
branchages destinés à abriter le buveur contre les ardeurs du soleil.
C’est en avant de ce portique rudimentaire que coulent les deux
sources à un mètre de distance l’une de l’autre. Celle qui coule
à votre gauche lorsque vous regardez le mont d’où ces sources
émergent est désignée sous le nom de Fontana d’Acqua gregia à
cause de son aspect laiteux.
Docteur MACÉ.
En 1895, les curistes peuvent compter sur les bons soins
de M. Grisostome Toussaint pour gagner les bains de Puzzichello (11) :
Les personnes qui se rendent aux bains de
Puzzichello sont informées que M. Grisostome Toussaint-Grisostôme a
installé un service régulier de cabriolet entre la gare de Puzzichello
et l'établissement thermal.
Prix, par personne, 75 centimes ; bagages, 50 centimes les 20 kilos.
A cette époque, trois périodes permettent d'accueillir
les curistes (12) :
L'ouverture de l'établissement aura lieu le 22
avril
La 1re saison commencera le 22 avril et finira le 11 mai.
La 2e saison commencera le 12 mai et finira le 31.
La 3e saison commencera le 1er juin et finira le
20.
Les réservations peuvent se prendre auprès de Madame
Veuve Filippi dès le 3 avril. Mais dès 1894, elles sont à adresser à
M. Peraldi.
Madame Adélaïde Colombani, ayant quitté ses
fonctions, c'est Mathieu Battesti, maître d’hôtel de l’établissement
depuis près de 20 ans, qui la remplace à partir de 1896 et qui fait sa
publicité sur Le Petit Bastiais (13) :
M. MATHIEU BATTESTI
maître d’hôtel de l’établissement de Puzzichello depuis 20 ans
environ, a l’honneur de prévenir sa clientèle et ses nombreux amis,
qu’il est toujours à leur disposition, qu’ils trouveront dans son
établissement le confortable nécessaire.
Service et cuisine très soignés.
Vin de table de 1re qualité de son cru.
Comme par le passé il ne négligera rien pour leur rendre le séjour de
Puzzichello le plus agréable.
Prix, 4 francs par jour avec café, (logement non compris).
Apparemment de nombreuses activités permettent aux
curistes de pallier à l'isolement du lieu :
il y a aussi le côté artistique : musique, chant,
danse, poésie ; vous trouverez tout cela au casino. Si vous aimez un
exercice un peu violent, en plein air, vous avez les promenades du soir
et les rondes autour des feux que l’on allume, à la tombée de la
nuit, devant la maison d’habitation.
Seul le suicide d'un lyonnais dont on sait s'il
s'appelait Pachot ou Bachot - le journaliste emploie les deux noms-
viendra troubler la quiétude des curistes (14) :
Un suicide a eu lieu à Puzzichello.
Un Lyonnais, M. Pachot, représentant de commerce, était un des
habitués de cet établissement.
Vendredi, on ne le vit pas paraître au déjeuner, et on constata qu’il
n’était pas descendu aux bains, on se rendit alors dans sa chambre
dont la porte était fermée intérieurement, et qui céda sans grand
effort. Un triste spectacle s’offrit à la vue des baigneurs. M.Bachot
était mort, il s’était pendu.
Rien dans son attitude et sa conversation de la veille ne faisait
pressentir un pareil dénouement.
En 1933, la station n'attire
que les quelques malades Corses venus des environs. Dans ces années,
les bains de Puzzichellu sont exploités par Grégoire Bustori
D'après ce qu'on disait au village il aurait fait travailler jusqu'à
8 personnes pour préparer les repas et les chambres des curistes
qu'il allait chercher en calèche à la gare d'Aleria (15).
Le périodique
Ajaccien La Corse touristique écrit :
Mais la station n'a
point fait les progrès qu'elle méritait, Le paludisme qui y sévit
est fonction du large abandon des terrains qui l'entourent.
L'histoire des bains de Puzzichello prit fin avec la deuxième guerre
mondiale et l'occupation de l'hôtel par les soldats allemands qui détruisirent la
station thermale en 1943.
Dans un but de réhabilitation du site, le Conseil
général a fait réaliser des travaux. Des études hydrogéologiques
ont conduit à la réalisation d'un forage de reconnaissance dénommé
"Elise" au voisinage de l'établissement thermal.
Des autorisations d'agrément ont été demandés
selon une procédure classique. L'avis favorable de l'Académie de
Médecine a été délivré et une demande d'exploitation entérinée
par l'autorisation ministérielle du 4 juillet 1986 (16).
N.B. : Les anciens Antisantais et les plus jeunes connaissent une autre
source plus proche du village, la source de Campo Favajo, à environ 3 Km à vol d'oiseau des bains, à deux pas du
lit du Rio Magno, et nommée elle aussi Puzzichello. Cette source est
aménagée en fontaine sommaire, non exploitée et utilisée par les
habitants de la région
- Jean de La Rocca, La Corse et son avenir, Plon Éditeur, Paris, 1857
- Les eaux de Puzzichello in La Corse touristique : organe mensuel des
intérêts insulaires : économique, historique et littéraire, Imp.
spéciale de la "Corse touristique", n°82, janvier-février
1933.
- Thomasina, M. A. E. CAMPBELL, Notes sur l'île de Corse en 1868, J. POMPEANI et LLUIS
Ed., Ajaccio, 1872.
- Dr Constantin James, Guide pratique aux eaux minérales et aux bains de mer : contenant
la description des principales sources et des principaux bains, des études sur
l'hydrothérapie, un traité de thérapeutique thermale ; et augmenté d'une Notice sur
les stations d'hiver, Masson Ed, paris, 1867
- Charles Reynaud, "Un hiver en Corse, récits de chasse et scènes
de la vie des maquis", in Revue des deux mondes, 1853, T. 3, P 118-146
- Victor-Adolphe Malte-Brun, La France illustrée, Tome 2, J. Rouff Ed, Paris, 1881.
- Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. Deuxième série. Tome
vingt-septième. Pou-Pyx / [publ.sous la] dir. de MM.A. Dechambre [et] L. Lereboullet ;
dir.adjoint L. Hahn, Masson Ed, 1889
- Dr Alain Guermonprez, Situation et avenir du thermalisme en Corse, Conférence faite à
CERVIONI le 17 août 1973 et signalée dans le site de L'ADECEC.
- Le Petit Bastiais, n°2963, Jeudi 23 mai 1889.
- Le Petit Bastiais, n°4149, Mercredi 18 mai 1892.
- Le Petit Bastiais, n°11220, Mercredi 29 mai 1895.
- Le Petit Bastiais, n°5, lundi 10 et mardi 11 avril 1893.
- Le Petit Bastiais, n°93, Vendredi 17 avril 1896.
- Le Petit Bastiais, n°3309, Lundi 9 et Mardi 10 juin 1890.
- Communication personnelle de Jo Bustori.
- Journal Officiel du 28 juillet 1986
N.B. : Certaines images des cartes postales anciennes nous ont été
aimablement fournies par le collectionneur Guérin CAMPANA de Corte, que nous remercions.
Un grand nombre de cartes anciennes des villes et villages corses sont présentées sur
son site : Tempi fa i Paesi.
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