Les poilus de la Grande Guerre
La mobilisation des armées françaises de terre et de mer est ordonnée sur toute l'étendue du territoire français, de l'Algérie, dans les autres colonies et dans les pays de protectorat. Il est signé par le Président de la République Raymond Poincaré, le ministre de la guerre Adolphe Marie Messimy, et le ministre de la marine Armand Gauthier. Bientôt prévenus, les gendarmes partent avertir les mobilisables. Une véritable armée de masse est mise sur le pied de guerre : aux classes 1911 à 1913, 770 000 soldats de l'armée d'active, déjà présents sous les drapeaux, s'ajoutent toutes les classes de la réserve, de la territoriale et de la réserve territoriale, c'est-à-dire des hommes ayant effectué leur service mais restant à disposition du ministère de la guerre jusqu'à 48 ans. Au total 3 580 000 hommes sont mobilisés. Alors que les plus jeunes sont incorporés dans l'armée active ou sa réserve, les plus âgés le sont dans les régiments territoriaux ou leurs réserves. Mais très vite il n'y eut plus de différences entre ces régiments. Deux régiments et leurs réserves incorporent plus particulièrement les soldats insulaires : le 163e régiment d'infanterie, caserné à Nice, et le 173e régiment d'infanterie, formé de quatre bataillons basés à Ajaccio, Corte, Bastia et Bonifacio, et leurs réserves, le 363e et le 373e régiments d'infanterie. Mais on trouve aussi des soldats Corses dans un certain nombre de régiments - infanterie, artillerie, chasseurs alpins, coloniaux…- où ils ont fait carrière. Signalons aussi qu'après la dissolution du 373e régiment d'infanterie, en juin 1916, les soldats qui combattaient dans ses deux bataillons ont rejoint le 363e et le 229e régiments d'artillerie pour former leurs 3e bataillons. On évalue à 40 000 le nombre de Corses mobilisés. Pour comparaison, le recensement de 1911 a évalué la population de l'île à 290 961 habitants. La plupart des mobilisés ont une longue route à faire pour rejoindre par leurs propres moyens le lieu de convocation indiqué dans leur fascicule de mobilisation. Il leur faut gagner Corte, Aiaccio, ou Bastia, à pied, à dos de mulet, ou encore en charrette. Le dimanche 2 août, toute la journée, les routes et les chemins de Corse sont noirs de villageois. Ils se regroupent sur les places Saint-Nicolas à Bastia, du Diamant à Aiaccio, de Padoue à Corti, places vers lesquelles convergent aussi des cortèges de chevaux, de mulets, de voitures, chargés de canons, de vêtements et de godillots tous neufs, d’armes étincelantes et de mitrailleuses rutilantes. De nombreux jeunes gens devancent l'appel ou signent des engagements volontaires malgré les inquiétudes des mères. Le 9 août, les quatre bataillons du 173e régiment d'infanterie quittent l'île de beauté en embarquant à Ajaccio à destination de Marseille. Ils sont ensuite dirigés dès le 10 août par voie ferrée vers l'est de la France et se déploient le 15 août au sud-est de Nancy. Lors du 128e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques qui s'est déroulé à Bastia en 2003, Jean-Michel Gea, maître de conférences à l'Université de Corse, a signalé combien cette mobilisation s'était déroulée dans l'enthousiasme (1) : Au début du mois d'août 1914, l'ordre de mobilisation générale donne lieu en Corse, comme partout en France, à des manifestations patriotiques enthousiastes. En pleine euphorie revancharde, de Bastia à Ajaccio, en passant par les villages de l'intérieur, les Corses adhèrent pleinement à l'Union sacrée voulue par la Capitale. L'arrivée des premiers blessés à bord du Numidia, le 5 septembre 1914, les listes de morts n'atténuent pas pour autant les sentiments patriotiques. Durant les combats meurtriers de la Marne, de Verdun... se sont illustrés les régiments Corses, et des Corses célèbres comme le général Grossetti ou l'aviateur Jean Casale, mais aussi de nombreux autres plus humbles dont certains ne sont jamais revenus et dont les noms figurent sur les monuments aux morts des villages. Dans cette guerre 30 soldats, nés à Antisanti, perdent la vie et seront déclarés Morts pour la France (2 - 6) ; ce nombre est considérable pour un village dont la population était composée de 728 personnes en 1911. Les plus jeunes, Ange Félix Fratani et Antoine Flori, n'avaient que 19 ans. Le plus âgé, le lieutenant de réserve Paul Antoine Angelini avait 54 ans. Certaines familles furent durement éprouvées : trois fils de Don Louis Vincenti et de son épouse, Marie Felce, disparurent dans cette guerre : Jacques, Juge Antoine et Vincent ; ainsi que Pascal et Jean, deux fils du couple Pascal Griscelli et Isabelle Baldovini. Quelques familles resteront longtemps sans nouvelles d'un des leurs disparu dans les combats. Citons le cas de Dominique Casciani, disparu aux Éparges (Meuse) le 24 avril 1915, dont la famille fera publier par deux fois le nom en 1916 dans le journal "La Recherche des disparus", organe de l'Association française pour la recherche des disparus. Comme beaucoup, Dominique Casciani ne sera déclaré Mort pour la France par le tribunal de Corte que quelques années plus tard, le 25 août 1921 (7). L’immense hécatombe de la Première Guerre mondiale a entraîné l’attribution de 1 400 000 citations et autant de médailles militaire, décernées pour la plupart à titre posthume. Dans ce cas, envoyée à la famille, une lettre accompagnait la décision d'attribution de la Médaille Militaire. La citation et l'attribution de la médaille militaire étaient aussi mentionnées dans le Journal Officiel de la République Française (8). 1914 - L'INVASION DE LA FRANCE Les premières victimes tombent dès le 2 août à la frontière franco-allemande. Le lendemain, l'Allemagne déclare la guerre à la France. Le 7 août, une offensive est lancée en direction de l'Alsace et de la Lorraine. La contre-attaque allemande fait battre en retraite les troupes françaises. Les pertes sont importantes. Par ailleurs, les armées allemandes envahissent la Belgique et pénètrent en France. L'armée alliée recule sur toute la ligne de front. Les Allemands reprennent la Lorraine. 27 000 soldats sont tués pour la seule journée du 22 août, la plus meurtrière de toute l'histoire de l'armée française. Paul Dominique Mariani, né le 1er
novembre 1882 d'Ange Baptiste et d'Impérialice Rognoni, est soldat au 173e
régiment d'infanterie. C'est le premier Antisantais qui disparaît au
combat. Le 4 septembre, les Allemands franchissent la Marne. Le 6 septembre, Joffre lance une contre-offensive grâce notamment aux fameux taxis de la Marne. Pendant ce temps, au centre, l'armée de Foch résiste aux assauts allemands. Les Français, épuisés, engagent une série de batailles dans l'Aisne, la Somme et l'Artois, sans parvenir à déloger les Allemands. Ours Antoine Mattei, fils de Jacques Philippe et de Marie Arcangela Vincenti, né le 2 février 1891, a été nommé sergent du 61e régiment d'infanterie le 23 août 1914. Le 9 septembre, ce régiment s'élance à l'assaut de La ferme de la Maison Blanche. Le journal de marche du régiment rend compte des conditions de l'assaut :
Dans cette attaque, 238 officiers, sous-officiers et
soldats sont tués, blessés ou disparus. Parmi eux Ours Antoine Mattei,
tué à l'ennemi. Paul Baptiste Riucelli est né le 19 octobre
1893 de Bastien et de Doria Maria Mariani. En septembre 1914, il est
caporal à la 13e compagnie du 173e régiment d'infanterie. Du 15 septembre au
22 novembre, le régiment tient le secteur de HautCourt - Malancourt, et
participe à différentes attaques (20 septembre - 20 Octobre) sur
Montfaucon, la cote 285 et Cuisy. C'est lors d'une de ces attaques, le
20 septembre 1914 à Malancourt (Meuse), que Paul Baptiste Riucelli
meurt pour la France, tué à l'ennemi. Sans nouvelles de lui, sa
famille fera paraître une annonce dans la publication "La
Recherche des disparus" en avril 1916. Ce n'est que le 3 novembre
1920 que le tribunal de Corte confirmera son décès au 20 septembre
1914. Il sera décoré à titre posthume de la Croix
de guerre avec étoile de bronze et la citation : caporal brave et courageux.
Mort
glorieusement pour la France, le 20 septembre 1914, à Malancourt. À l'est, les combats font rage. Les allemands réussissent à étendre leurs lignes jusqu'à la Meuse, au nord de Verdun. Vincent Vincenti, né le 7 novembre 1890 de Don Louis et de Marie Felce, est sergent major au 163e régiment d'infanterie. Vers la fin du mois de septembre, ce régiment est positionné à Doncières (Vosges). Le 21 septembre, vers 11 h, des fractions ennemies attaquent les avant postes du 3e bataillon (11e et 12e compagnies). Dans ce combat, Vincent Vincenti meurt pour la France, tué à l'ennemi. Son décès sera signalé dans la rubrique "Tombés au Champ d'Honneur" du journal Le Matin dans son édition du 28 novembre. À la fin du mois de septembre, le 24e bataillon de chasseurs à pied de Villefranche, dont fait partie le soldat Jean Baptiste Ristori, fils de Michel et de Marie Marchi, né le 28 mars 1893, est engagé dans la bataille de Morhange près de Dieuze dans la Meuse. On trouve la description de ces opérations dans l'historique de ce régiment : Le 23 septembre, vers 17 heures, le lieutenant-colonel commandant le bataillon reçoit l'ordre de porter quatre compagnies vers le nord-ouest du bois de Cheppy, devant la ferme de Neuves- Granges. Les quatre compagnies restantes tiennent le Pont-des-Quatre-Enfants. Grâce à leur supériorité numérique écrasante, les Allemands réussissent à rompre nos lignes à notre droite, vers le bois de Malancourt et, suivis de leur artillerie, ils s'avancent sur la forêt de Hesse. La situation du demi bataillon des Neuves-Granges devient dès lors très critique, sa retraite pouvant être coupée vers le Pont-des-Quatre-Enfants. Malgré cette menace, deux de nos compagnies (1ère et 3e), ayant surpris des détachements allemands avec leur artillerie se dirigeant vers Avocourt, les arrêtent à la ferme des Neuves-Granges. Après avoir essayé à trois reprises de nous chasser de la lisière du bois de Cheppy, les Allemands cessent toute opération d'infanterie et se contentent de bombarder le bois. Deux des compagnies du Pont-des-Quatre-Enfants (4e et 8e) sont envoyées par le général GOURAUD à Avocourt, pour barrer la route à l'ennemi qui avait réussi à franchir nos lignes dans le bois de Malancourt. Elles se font hacher sur place par un ennemi très supérieur en nombre, laissant 450 hommes sur le terrain. La bataille s'arrête vers 20 heures. Le 24e maintenait intégralement toutes ses positions. Il venait d'arrêter net la marche de l'ennemi sur Verdun. Le combat du 23 septembre fut le plus sanglant que le bataillon ait soutenu depuis le début de la campagne. C'est une des pages les plus glorieuses de son histoire. Le 1er septembre 1914, le général SARRAIL, commandant la IIIe armée, cite à l'ordre de l'armée : le capitaine VILLARD, le lieutenant HENRY et l'adjudant PIETRI (de la 4e compagnie) pour le motif suivant : « Se sont particulièrement distingués le 23 septembre dans le combat où deux compagnies du 24e bataillon de chasseurs ont arrêté net l'offensive ennemie en perdant les quatre cinquièmes de leur effectif. » (Ordre général de la IIIe armée, N° 47) En participant avec sa compagnie aux combats sanglants d'Avocourt et en s'opposant avec succès aux progrès de l'ennemi, le soldat Jean Baptiste Ristori meurt des suites de blessures de guerre le 23 septembre à Cheppy (Meuse). Au nord-ouest la course à la mer s'engage alors des deux côtés afin de contrôler les ports de Dunkerque et de Calais, lieux de débarquement des renforts britanniques. Durant le mois d'octobre, les offensives allemandes sont repoussées. Dans les combats d'octobre disparaissent deux Antisantais. Le 29 octobre, Antoine Flori, fils de Marcel et d'Anne Marie Tedeschi, né le 3 janvier 1895, soldat au 173e régiment d'infanterie, est tué à l'ennemi à Béthincourt (Meuse) lors d'une attaque de la cote 281 à l'ouest du bois de Forges, attaque très violente et très dure menée contre des tranchées solidement établies. Antoine Flori repose au cimetière No 3 de Béthincourt. Il sera cité en 1920 : jeune engagé volontaire pour la durée de la guerre. Mort glorieusement pour la France, à son baptême du feu, alors qu'il montait crânement à l'attaque des positions ennemies, à Béthincourt, le 29 octobre 1914, et décoré de la Croix de guerre avec palme. Son beau-frère, Juge Antoine Vincenti, fils de Don Louis et de Marie Felce, né le 1er janvier 1885, après des études au séminaire d'Ajaccio, s'était engagé volontaire au mois d'octobre 1905. Il avait par deux fois renouvelé cet engagement, la dernière fois au mois d'août 1913. Nommé sergent au 163e régiment d'infanterie, le 13 août 1914, il est tué à l'ennemi le 16 décembre lors de la prise de Lombaertzyde (Belgique) dont les maisons sont de vrais nids à mitrailleuses comme le signale l'historique du régiment. Il n'a survécu que quelques jours au décès de son épouse Catalina Flori. À la fin de 1914, les deux camps s'enterrent dans les tranchées, faute de vainqueur. 1915 - LES TRANCHÉES Les tranchées sont aménagées en lignes successives, entrecoupées de fil de fer barbelé et de champs de mines. Les soldats se terrent dans la boue (9) : Je crois n'avoir jamais été aussi sale. Ce n'est pas ici une boue liquide comme dans l'Argonne. C'est une boue de glaise épaisse et collante dont il est presque impossible de se débarrasser, les hommes se brossent avec des étrilles... Le front n'est pas totalement figé : les tranchées sont prises, perdues et reprises sous un déluge d'obus. L'historique du 163e régiment d'infanterie décrit brièvement ces avancées et ces replis dans le secteur de Flirey : Les 6 et 7 avril, le Régiment livre des combats d'une violence inouïe dans les tranchées du secteur de Flirey, au cours desquels la première ligne ennemie est prise et reprise plusieurs fois. Le 20 avril, il s'empare de nouveau de cette première ligne ennemie et la conserve malgré trois contre-attaques désespérées de l'adversaire. Le 14 mai, il attaque les tranchées allemandes, s'en empare, résiste aux furieux assauts de deux contre-attaques, mais il est obligé d'abandonner son gain à une troisième qui décime la garnison. Dans ces quatre combats, le 163e perd 20 officiers et 1 500 hommes. Les gaz de combat, utilisés pour la première fois par l'armée allemande le 22 avril 1915, à 17 heures, à Ypres en Belgique, provoquent la mort de 5 000 soldats. Rapidement utilisés par tous les belligérants, ils deviennent un instrument de terreur et marqueront profondément la mémoire du conflit, bien que les historiens leur attribuent seulement 20 000 décès. Ange Ignace Mattei, né le 28 mai 1894,
fils de Jean André et d'Eugénie Risterucci est soldat au 40e
régiment d'infanterie. Au début du mois de janvier son régiment
est positionné non loin de Verdun. Le 5 janvier, le régiment part pour relever le 61e
régiment d'infanterie dans le secteur de Béthincourt à quelques
kilomètres de Verdun. Les tranchées remplies d'eau sont dans un état
épouvantable. On travaille sans relâche à épuiser l'eau. La
fusillade est incessante.
C'est ce jour là qu'Ange Ignace Mattei est tué à l'ennemi
à Cumières près
du ruisseau de Forges. En janvier et février, les Français tentent en vain une percée en Champagne. Jean Griscelli, fils de Pascal et d'Isabelle Baldovini, né le 1er janvier 1890, est soldat au 173e régiment d'infanterie. Il est tué à l'ennemi le 18 février au Bois Bouchot, commune de Mouilly (Meuse). En 1920, il sera cité : bon soldat, ayant donné le plus bel exemple de sacrifice en restant à son poste de combat malgré la violence du bombardement ennemi. Mort glorieusement pour la France, le 18 février 1915, secteur du bois Bouchot. Cette citation lui vaudra la Croix de guerre avec étoile de bronze. Son corps sera inhumé dans la tombe n°406 à la Nécropole nationale de Lacroix-sur-Meuse. Son nom est aussi gravé sur le monument aux morts de Vezzani. Il est par ailleurs signalé dans le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur. Du côté de Verdun, le 26 février, les soldats allemands ont pour la première fois fait usage du lance-flamme dans le bois de Malancourt. Ange Antoine Cremona, est né le 4 janvier 1880, à Antisanti, de Paul Joseph et de Julie Marie Baldovini. Ouvrier auxiliaire aux constructions navales de Toulon, il est rappelé comme soldat au 112e régiment d'infanterie d'Hyères puis passe au e régiment d'infanterie. Il décède le 27 février à l'hôpital militaire de Verdun des suites de blessures de guerre. Il repose dans la tombe individuelle n° 1484 de la Nécropole Nationale Faubourg Pavé à Verdun. Son nom apparaît sur le monument aux morts de La Seyne-sur-Mer, et sur une plaque commémorative, place Louis Blanc, à Toulon. A la fin février 1915, à côté des 106e, 132e régiments d'infanterie et du 25e bataillon de chasseurs à pied, le 173e régiment d'infanterie prend part à la fameuse attaque des Éparges. Il conservera cette position malgré de furieux bombardements et les violentes contre-attaques ennemies :
Dans ces combats, le 24 avril, disparaissent deux antisantais, soldats du 173e régiment d'infanterie : Dominique Casciani, fils de
François et Marguerite Salati, né le 2 février
1887, soldat de la 4e compagnie,
disparu aux Éparges (Meuse), Mort pour la France, et
Pendant ce temps les soldats du 14e bataillon de chasseurs alpins, dont fait partie le chasseur Don François Vinciguerra, né le 19 avril 1890 de Dominique et de Marie Antoinette Altibelli, participent aux opérations des Vosges, combats dans lesquels ils conduisent l'assaut terriblement sanglant pour la possession de la ligne de crête. De l'Hartmannswillerkopf à la tête des Faux, de l'Hilsenfirst au Lingekopf, les chasseurs vont entrer dans la légende des corps d'élite, y gagnant de leurs adversaires le qualificatif de Schwarze Teufel, francisé en Diables bleus. Le journal de marche du 14e Bataillon de Chasseurs Alpins décrit la sortie des tranchées, l'assaut vers la crête du Linge et les chasseurs rapidement cloués sur place par les tirs ennemis :
Cet héroïque fait d'arme coûte vingt mille morts
aux chasseurs alpins, dont le chasseur Don François Vinciguerra, tué à l'ennemi le 20 juillet à Lingekopf.
En
1920, il recevra la citation suivante : glorieusement
tombé au champ d'honneur au cours de l'attaque du 20 juillet 1915. A
été cité. Il repose dans la tombe individuelle
n°423 à Orbey (Haut-Rhin) dans la Nécropole nationale Le Wettstein,
cimetière des Chasseurs, appelé encore cimetière du Linge. Dans l'ensemble, les combats de 1915 se soldent par de très lourdes pertes (1,4 millions de tués, blessés ou prisonniers) sans amener de succès significatifs. Jean-Michel Gea signale que devant le nombre de morts, la dureté des combats sans cesse renouvelés, les positions gagnées puis reperdues, les conditions de vie épouvantables, les mentalités des soldats Corses évoluent (1): Une fois cependant les combats enlisés dans les tranchées, les mentalités ne tardent pas à évoluer. Les correspondances des combattants adressées à leurs proches montrent le recul progressif du sentiment patriotique au profit d'un recentrement des scripteurs sur leur identité d'origine. 1916 - VERDUN, LA SOMME Le 21 au 25 février février, les Allemands noient Verdun sous un déluge d'artillerie. Jacques Vincenti, du 6e escadron de brancardiers, né le 20 janvier 1871 de Don Louis et de Marie Felce, est tué à l'ennemi par balle, le 23 février près du Fort de Belleville (Verdun, Meuse) alors que, comme brancardier, il se portait au secours d'un soldat blessé. Il avait 45 ans, c'est l'un des Antisantais les plus âgés morts au champ d'honneur. En 1920, lui sera octroyé la citation : brave soldat, qui a toujours fait son devoir. Tombé pour la France, le 23 février 1916, devant Verdun, citation qui lui vaudra la Croix de guerre avec étoile de bronze. Les allemands conservent l'avantage pendant quatre mois, parvenant à prendre, au prix de luttes acharnées, les forts de Douaumont (25 février) et de Vaux (2 juin) et les fortifications de Thiaumont (23 juin). Ces combats sont horribles (9) : tous mes camarades sont tombés morts ou blessés aux mains des boches qui nous ont fait souffrir les mille horreurs, liquides enflammés, gaz lacrymogènes, gaz suffocants, asphyxiants, attaques... ou encore (9) : Ce n'est qu'un éclatement continuel d'obus de tous calibres. La terre entre Souville qui est à notre gauche et Thiaumont à notre droite semble laisser échapper des langues de feu et de fumée comme un volcan... nous apercevons les pauvres fantassins dans les trous d'obus. Quelle souffrance, mon Dieu, les pauvres ! Dans
une tentative de reprise du fort, Antoine Renucci, fils de de
Michel et de Gianica Marie Pulicani, né le 21 mai
1890, soldat au 122e régiment d'infanterie, est tué à l'ennemi le 7 août
au lieudit Thiaumont, commune de Douaumont (Meuse).
Les pertes du jour sont de 42 tués, 99 blessés et 9 disparus ; parmi eux, Antoine Renucci, Mort pour la France. Il repose dans la tombe individuelle n°1626 de la Nécropole nationale de Bras-sur-Meuse. Les forts sont repris avant la fin de l'année. La durée de la bataille et l'étendue des pertes (360 000 Français et 330 000 Allemands) marquent à tout jamais les esprits. Dans la bataille de la Somme les Français, épuisés par les combats de Verdun, ne peuvent engager que 16 divisions au lieu des 40 prévues. Ces combats débutent le 1er juillet ; 5 Antisantais y perdent la vie :
Les combats se prolongent jusqu'à la mi-novembre ; 325 km2 de territoire sont gagnés à l'ennemi, mais la tentative de percée a échoué. Enfin, Paul Antoine Angelini, né à Antisanti le 7 décembre 1862 d'Antoine Louis et d’Anne Marie Marchi, qui avait été nommé lieutenant de réserve par le décret présidentiel du 19 mai 1908 et avait été libéré du service militaire le 1er octobre 1908, a malgré tout rejoint le 173e régiment d'infanterie. Le 13 novembre, il meurt à l'hôpital de Corte, par suite de maladie contractée en service. Il avait 54 ans. C'est le plus vieil Antisantais Mort pour la France. 1916 - L'ARMÉE D'ORIENT À la fin de l'année 1916, les soldats de l'armée d'Orient combattent non loin de Salonique. Là, s'ils ne décèdent pas par balle, les soldats mourront du paludisme ou de la dengue qui décimeront les unités. C'est le cas de Guillaume Pierre Cabrolier, fils de Guillaume Jean et de Julie, né le 7 janvier 1881 à Valady (Aveyron), nommé en 1907 gendarme à pied à la 15e légion de gendarmerie à Antisanti, et qui a été mobilisé dans l'armée d'Orient. Il meurt pour la France le 22 octobre 1916 à l'hôpital militaire de Salonique, décédé de suites de paludisme contracté en service commandé. Il a été inhumé au carré militaire français de la nécropole de Zeitenlick à Salonique, tombe 2091. Pendant ce temps et ce jusqu'à l'armistice, ses camarades valides seront engagés dans les opérations de rupture du front de Macédoine. 1917 - ARTOIS ET CHEMIN DES DAMES La bataille d'Artois est remportée par les Britanniques mais il s'agit là encore d'un succès très éphémère. Par contre, l'attaque du Chemin des Dames organisée par Nivelle, le 16 avril, est un désastre : les pertes s'élevèrent à 147 000 hommes, dont 40 000 tués et plus de 100 000 blessés, en moins de deux semaines. Cependant, cette année là, un seul Antisantais perd
la vie au Chemin des Dames. Il s'agit d'Ange Toussaint Griscelli,
né le 9 octobre 1897 à Antisanti, fils de Pascal et d'Isabelle
Baldovini. Il est chasseur de 2e classe à la 7e
compagnie du 46e
bataillon de chasseurs à pied de Nice. Il meurt pour la France le 10
août 1917 avec 23 autres soldats, tué à l'ennemi à l'Épine de
Chevrigny. Il sera décoré
à titre posthume de la médaille militaire en 1920 avec la mention : très brave au feu. S'est porté hardiment en
avant, au moment de la contre-attaque. A été tué en poursuivant
l'ennemi, le 10 août 1917, à l'Epine-de-Chevrigny. A été cité. 1918 - LA FIN DE LA GUERRE Le début de l'année est marqué par les succès de l'armée allemande en Picardie et pour le village d'Antisanti par le décès de Dominique Félix Griscelli. Né le 6 janvier 1893 de Pierre Toussaint et de Marie Cécile Marchioni, il est soldat au 10e régiment de cuirassiers et vient de combattre durant les mois de mars et d'avril dans la Somme, au mont Kemmel. Il meurt pour la France le 28 mai à l'hôpital auxiliaire n°3 à Marseille des suites de blessures de guerre. Il repose dans la Nécropole Nationale "Luynes" à Aix-en-Provence dans la tombe individuelle n°16, carré C, rang 7. Son nom est gravé sur le monument aux morts de Vezzani et apparaît dans le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur. Après avoir réussi à maintenir l'avancée allemande, les français organisent une première contre-attaque, le 18 juillet, qui repousse l'ennemi. Les Allemands perdent définitivement l'initiative au profit des Alliés. Joseph-Marie Ersa est né
le 2 février 1880 à Antisanti de père inconnu et de Victoire Ersa. Il
est sergent au 22e
régiment d’infanterie coloniale. C'est un soldat brave qui a déjà
à son actif deux citations. La première reçue le 15 juillet 1916 : Venu
volontairement au front, a pris part à l'assaut du 2 juillet 1916 avec
beaucoup de bravoure et s'est toujours maintenu sur la ligne quoique
atteint d'une entorse au pied et blessé au bras gauche au début de
l'action qui s'accompagne de la croix de guerre avec étoile
d'argent, la seconde en date du 13 novembre 1917 : Caporal mitrailleur chef de
pièce. A donné le plus bel exemple de valeur et de sang froid durant
l'attaque ennemie du 12 octobre 1917 et sous un feu de barrage
d'artillerie des plus violents. Cette dernière citation ajoute une
étoile de bronze à sa Croix de guerre. Le 8 août commence la contre-attaque qui devait entraîner la capitulation allemande trois mois plus tard. À la mi août, Paul Toussaint Biancardini,
fils de Paul François et de Marie Jéromine Griscelli, né
le 23 mars 1877 à Vezzani, résidant à Antisanti, soldat de 1ère classe au 22e
régiment d'infanterie coloniale, embarque sur le vapeur Le Balkan. Incorporé au 163e
régiment d’infanterie comme appelé, le 14 novembre 1898, il s'est
plusieurs fois rengagé et a déjà à son actif plusieurs campagnes en
Cochinchine, au Cambodge, au Tonkin et en Indochine avec les troupes
coloniales. En 1918, son régiment a participé à la troisième
bataille de Champagne. En mai – juin, il a combattu lors de la
bataille de la montagne de Reims, puis du 15 au 23 juillet avec son
camarade, Joseph-Marie Ersa, à l’Est de
Reims, Cote 240. Après une prise d'armes et une remise de décorations
à Tours-sur-Marne, le 11 août, le journal des marches et opérations
du régiment indique : du 15 au 31 août "rien à signaler".
Les soldats sont en permission et Paul Toussaint Biancardini retourne en
Corse. Pendant ce temps se déroulent les combats de la Bataille de Picardie. Le 22 août, le soldat du 168e régiment d'infanterie Germain Benedetti, fils de Sébastien et de Rose Palmesani, né le 25 décembre 1896, grièvement blessé par des éclats d'obus, décède à l'ambulance 16/22 (10). Il a fort probablement été blessé deux jours auparavant lors des combats qui se sont déroulés dans la région de Morsain et que signale le journal des marches et des opérations du régiment. Comme tous les soldats morts dans les baraquements, situés derrière le château, et qui servaient d'hôpital, il repose à la Nécropole nationale Villers-Cotterets (Aisne). Sa tombe porte le n°2294. Paul Bursachi, né le 12 février 1897, fils de Jean Étienne et de Marie Joséphine Maestracci, soldat de 2e classe au 86e régiment d'infanterie, se bat avec son régiment dans les Ardennes. Il meurt pour la France lors d'une attaque le 1er novembre 1918 dans le secteur de Vandy (près de Vouziers dans les Ardennes), tué à l'ennemi. Un seul extrait du journal des marches et opérations suffit à donner un ordre d'idée de l'âpreté des combats :
Autre témoignage de l'âpreté
des combats, le régiment sera cité le 3 décembre à l'ordre du corps
d'armée par le général commandant le 9e corps d'armée. Quelques mois plus tard, le 11 novembre, à 5h15, l'armistice entre les Alliés et l'Allemagne est signé dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne. A 11 heures, au front, les clairons sonnent le cessez-le-feu et dans toute la France, les cloches des églises sonnent à la volée. L'armistice laisse derrière lui huit millions de morts au combat, dont 1,4 millions de Français, et six millions de mutilés. 10 282 soldats nés dans l'île de Beauté sont déclarés Morts pour la France (11), un grand nombre sont blessés dont 19 000 sont grands invalides. Certains soldats encore décéderont dans les années
qui suivent. C'est le cas de Mathieu Olivesi, né le 8
avril 1878 à Antisanti de Charles François et de Marie Jéromine Battini,
ancien sapeur au 5e régiment du génie. La loi du 30 juillet 1920 statue sur l'organisation des cimetières militaires, la restitution des corps aux familles qui en font la demande et leur transfert aux frais de l'État. Mais les opérations ne commencent qu'en janvier 1921 : dans chaque département, une gare réceptionne et réexpédie des cercueils de militaires exhumés des cimetières du front ; des honneurs militaires et civils sont rendus à l'ouverture de chaque wagon ou bien la Marseillaise retentit. Les survivants veulent croire que cette guerre qui s'achève restera la dernière de l'Histoire, la der des der..
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