Les poilus de la Grande Guerre


La crise balkanique déclenchée à la suite de l'assassinat le 28 juin à Sarajevo de l'archiduc héritier d'Autriche-Hongrie François Ferdinand et le jeu des alliances font que la France décrète le 1er août 1914 la mobilisation générale. Le décret présidentiel, paru le lendemain dans le journal officiel, stipule dans son article premier : 

La mobilisation des armées françaises de terre et de mer est ordonnée sur toute l'étendue du territoire français, de l'Algérie, dans les autres colonies et dans les pays de protectorat. 

Il est signé par le Président de la République Raymond Poincaré, le ministre de la guerre Adolphe Marie Messimy, et le ministre de la marine Armand Gauthier.

Bientôt prévenus, les gendarmes partent avertir les mobilisables.

Une véritable armée de masse est mise sur le pied de guerre : aux classes 1911 à 1913, 770 000 soldats de l'armée d'active, déjà présents sous les drapeaux, s'ajoutent toutes les classes de la réserve, de la territoriale et de la réserve territoriale, c'est-à-dire des hommes ayant effectué leur service mais restant à disposition du ministère de la guerre jusqu'à 48 ans. Au total 3 580 000 hommes sont mobilisés. Alors que les plus jeunes sont incorporés dans l'armée active ou sa réserve, les plus âgés le sont dans les régiments territoriaux ou leurs réserves. Mais très vite il n'y eut plus de différences entre ces régiments.

Deux régiments et leurs réserves incorporent plus particulièrement les soldats insulaires : le 163e régiment d'infanterie, caserné à Nice, et le 173e régiment d'infanterie, formé de quatre bataillons basés à Ajaccio, Corte, Bastia et Bonifacio, et leurs réserves, le 363e et le 373e régiments d'infanterie. Mais on trouve aussi des soldats Corses dans un certain nombre de régiments - infanterie, artillerie, chasseurs alpins, coloniaux…- où ils ont fait carrière. Signalons aussi qu'après la dissolution du 373e régiment d'infanterie, en juin 1916, les soldats qui combattaient dans ses deux bataillons ont rejoint le 363e et le 229e régiments d'artillerie pour former leurs 3e bataillons.

On évalue à 40 000 le nombre de Corses mobilisés. Pour comparaison, le recensement de 1911 a évalué la population de l'île à 290 961 habitants.

La plupart des mobilisés ont une longue route à faire pour rejoindre par leurs propres moyens le lieu de convocation indiqué dans leur fascicule de mobilisation. Il leur faut gagner Corte, Aiaccio, ou Bastia, à pied, à dos de mulet, ou encore en charrette. Le dimanche 2 août, toute la journée, les routes et les chemins de Corse sont noirs de villageois. Ils se regroupent sur les places Saint-Nicolas à Bastia, du Diamant à Aiaccio, de Padoue à Corti, places vers lesquelles convergent aussi des cortèges de chevaux, de mulets, de voitures, chargés de canons, de vêtements et de godillots tous neufs, d’armes étincelantes et de mitrailleuses rutilantes.

De nombreux jeunes gens devancent l'appel ou signent des engagements volontaires malgré les inquiétudes des mères.

Le 9 août, les quatre bataillons du 173e régiment d'infanterie quittent l'île de beauté en embarquant à Ajaccio à destination de Marseille. Ils sont ensuite dirigés dès le 10 août par voie ferrée vers l'est de la France et se déploient le 15 août au sud-est de Nancy.

Lors du 128e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques qui s'est déroulé à Bastia en 2003, Jean-Michel Gea, maître de conférences à l'Université de Corse, a signalé combien cette mobilisation s'était déroulée dans l'enthousiasme (1) :

    Au début du mois d'août 1914, l'ordre de mobilisation générale donne lieu en Corse, comme partout en France, à des manifestations patriotiques enthousiastes. En pleine euphorie revancharde, de Bastia à Ajaccio, en passant par les villages de l'intérieur, les Corses adhèrent pleinement à l'Union sacrée voulue par la Capitale.

L'arrivée des premiers blessés à bord du Numidia, le 5 septembre 1914, les listes de morts n'atténuent pas pour autant les sentiments patriotiques. Durant les combats meurtriers de la Marne, de Verdun... se sont illustrés les régiments Corses, et des Corses célèbres comme le général Grossetti ou l'aviateur Jean Casale, mais aussi de nombreux autres plus humbles dont certains ne sont jamais revenus et dont les noms figurent sur les monuments aux morts des villages.

Dans cette guerre 30 soldats, nés à Antisanti, perdent la vie et seront déclarés Morts pour la France (2 - 6) ; ce nombre est considérable pour un village dont la population était composée de 728 personnes en 1911. Les plus jeunes, Ange Félix Fratani et Antoine Flori, n'avaient que 19 ans. Le plus âgé, le lieutenant de réserve Paul Antoine Angelini avait 54 ans. Certaines familles furent durement éprouvées : trois fils de Don Louis Vincenti et de son épouse, Marie Felce, disparurent dans cette guerre : Jacques, Juge Antoine et Vincent ; ainsi que Pascal et Jean, deux fils du couple Pascal Griscelli et Isabelle Baldovini.

Quelques familles resteront longtemps sans nouvelles d'un des leurs disparu dans les combats. Citons le cas de Dominique Casciani, disparu aux Éparges (Meuse) le 24 avril 1915, dont la famille fera publier par deux fois le nom en 1916 dans le journal "La Recherche des disparus", organe de l'Association française pour la recherche des disparus. Comme beaucoup, Dominique Casciani ne sera déclaré Mort pour la France par le tribunal de Corte que quelques années plus tard, le 25 août 1921 (7).

L’immense hécatombe de la Première Guerre mondiale a entraîné l’attribution de 1 400 000 citations et autant de médailles militaire, décernées pour la plupart à titre posthume. Dans ce cas, envoyée à la famille, une lettre accompagnait la décision d'attribution de la Médaille Militaire. La citation et l'attribution de la médaille militaire étaient aussi mentionnées dans le Journal Officiel de la République Française (8).

1914 - L'INVASION DE LA FRANCE

Les premières victimes tombent dès le 2 août à la frontière franco-allemande. Le lendemain, l'Allemagne déclare la guerre à la France.

Le 7 août, une offensive est lancée en direction de l'Alsace et de la Lorraine. La contre-attaque allemande fait battre en retraite les troupes françaises. Les pertes sont importantes. Par ailleurs, les armées allemandes envahissent la Belgique et pénètrent en France. L'armée alliée recule sur toute la ligne de front.

Les Allemands reprennent la Lorraine. 27 000 soldats sont tués pour la seule journée du 22 août, la plus meurtrière de toute l'histoire de l'armée française.

Paul Dominique Mariani, né le 1er novembre 1882 d'Ange Baptiste et d'Impérialice Rognoni, est soldat au 173e régiment d'infanterie. C'est le premier Antisantais qui disparaît au combat.
Les 27 et 28 août, son régiment stationne à Mont-sur-Meurthe et le 29 août, il enlève le village de Rehainviller (Meurthe et Moselle), exécutant sous un barrage inouï d'artillerie de campagne et d'artillerie lourde allemande une magnifique progression.
Paul Dominique MARIANI disparaît, tué à l'ennemi durant ces combats, le 28 août à Rehainviller (avis officiel du 5 avril 1916). C'est la date retenue par le jugement déclaratif rendu le 22 décembre 1920 par le tribunal de Corte.
Il y avait à peine 8 jours qu'il avait connu le baptême du feu à Dieuze face à un ennemi supérieur en nombre et installé sur des positions préparées de longue date. 
En 1923 lui sera attribué la Croix de guerre avec étoile de bronze et la citation : brave soldat. Mort glorieusement pour la France dans l'accomplissement de son devoir, le 28 août 1914, à Rehainviller.

Le 4 septembre, les Allemands franchissent la Marne. Le 6 septembre, Joffre lance une contre-offensive grâce notamment aux fameux taxis de la Marne. Pendant ce temps, au centre, l'armée de Foch résiste aux assauts allemands. Les Français, épuisés, engagent une série de batailles dans l'Aisne, la Somme et l'Artois, sans parvenir à déloger les Allemands. 

Ours Antoine Mattei, fils de Jacques Philippe et de Marie Arcangela Vincenti, né le 2 février 1891, a été nommé sergent du 61e régiment d'infanterie le 23 août 1914. Le 9 septembre, ce régiment s'élance à l'assaut de La ferme de la Maison Blanche. Le journal de marche du régiment rend compte des conditions de l'assaut : 

La ferme de la Maison Blanche, qui comprend plusieurs corps de vieux et solides bâtiments à murs épais de maçonnerie occupe une position au bord d'un plateau de 30 à 40 m de relief dominant le ruisseau... La ferme avait été organisée en blockhaus très puissant contre un ennemi à qui l'état des layons forestiers ne permettait pas l'emploi de l'artillerie.... Une compagnie environ occupait les bâtiments ; des sections les tranchées en arrière du taillis. C'était donc une mission dont on ne connaissait par aucun renseignement les difficultés. Et cependant jamais le régiment, furieux ne montra plus de mordant dans l'attaque que ce jour-là.

Dans cette attaque, 238 officiers, sous-officiers et soldats sont tués, blessés ou disparus. Parmi eux Ours Antoine Mattei, tué à l'ennemi.
En 1925, il sera cité : excellent sous-officier. Tué glorieusement, le 9 septembre 1914 à Maison-Blanche (Meuse), en accomplissant vaillamment son devoir et décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Paul Baptiste Riucelli est né le 19 octobre 1893 de Bastien et de Doria Maria Mariani. En septembre 1914, il est caporal à la 13e compagnie du 173e régiment d'infanterie. Du 15 septembre au 22 novembre, le régiment tient le secteur de HautCourt - Malancourt, et participe à différentes attaques (20 septembre - 20 Octobre) sur Montfaucon, la cote 285 et Cuisy. C'est lors d'une de ces attaques, le 20 septembre 1914 à Malancourt (Meuse), que Paul Baptiste Riucelli meurt pour la France, tué à l'ennemi. Sans nouvelles de lui, sa famille fera paraître une annonce dans la publication "La Recherche des disparus" en avril 1916. Ce n'est que le 3 novembre 1920 que le tribunal de Corte confirmera son décès au 20 septembre 1914. Il sera décoré à titre posthume de la Croix de guerre avec étoile de bronze et la citation : caporal brave et courageux. Mort glorieusement pour la France, le 20 septembre 1914, à Malancourt.
Son nom figure sur le monument aux morts de Corte et sur le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur.

À l'est, les combats font rage. Les allemands réussissent à étendre leurs lignes jusqu'à la Meuse, au nord de Verdun. 

Vincent Vincenti, né le 7 novembre 1890 de Don Louis et de Marie Felce, est sergent major au 163e régiment d'infanterie. Vers la fin du mois de septembre, ce régiment est positionné à Doncières (Vosges). Le 21 septembre, vers 11 h, des fractions ennemies attaquent les avant postes du 3e bataillon (11e et 12e compagnies). Dans ce combat, Vincent Vincenti meurt pour la France, tué à l'ennemi. Son décès sera signalé dans la rubrique "Tombés au Champ d'Honneur" du journal Le Matin dans son édition du 28 novembre.

À la fin du mois de septembre, le 24e bataillon de chasseurs à pied de Villefranche, dont fait partie le soldat Jean Baptiste Ristori, fils de Michel et de Marie Marchi, né le 28 mars 1893, est engagé dans la bataille de Morhange près de Dieuze dans la Meuse. On trouve la description de ces opérations dans l'historique de ce régiment :

    Le 23 septembre, vers 17 heures, le lieutenant-colonel commandant le bataillon reçoit l'ordre de porter quatre compagnies vers le nord-ouest du bois de Cheppy, devant la ferme de Neuves- Granges.

    Les quatre compagnies restantes tiennent le Pont-des-Quatre-Enfants. Grâce à leur supériorité numérique écrasante, les Allemands réussissent à rompre nos lignes à notre droite, vers le bois de Malancourt et, suivis de leur artillerie, ils s'avancent sur la forêt de Hesse.

    La situation du demi bataillon des Neuves-Granges devient dès lors très critique, sa retraite pouvant être coupée vers le Pont-des-Quatre-Enfants. Malgré cette menace, deux de nos compagnies (1ère et 3e), ayant surpris des détachements allemands avec leur artillerie se dirigeant vers Avocourt, les arrêtent à la ferme des Neuves-Granges.

    Après avoir essayé à trois reprises de nous chasser de la lisière du bois de Cheppy, les Allemands cessent toute opération d'infanterie et se contentent de bombarder le bois.

    Deux des compagnies du Pont-des-Quatre-Enfants (4e et 8e) sont envoyées par le général GOURAUD à Avocourt, pour barrer la route à l'ennemi qui avait réussi à franchir nos lignes dans le bois de Malancourt. Elles se font hacher sur place par un ennemi très supérieur en nombre, laissant 450 hommes sur le terrain.

    La bataille s'arrête vers 20 heures. Le 24e maintenait intégralement toutes ses positions. Il venait d'arrêter net la marche de l'ennemi sur Verdun.

    Le combat du 23 septembre fut le plus sanglant que le bataillon ait soutenu depuis le début de la campagne. C'est une des pages les plus glorieuses de son histoire.

    Le 1er septembre 1914, le général SARRAIL, commandant la IIIe armée, cite à l'ordre de l'armée : le capitaine VILLARD, le lieutenant HENRY et l'adjudant PIETRI (de la 4e compagnie) pour le motif suivant :

    « Se sont particulièrement distingués le 23 septembre dans le combat où deux compagnies du 24e bataillon de chasseurs ont arrêté net l'offensive ennemie en perdant les quatre cinquièmes de leur effectif. » (Ordre général de la IIIe armée, N° 47)

En participant avec sa compagnie aux combats sanglants d'Avocourt et en s'opposant avec succès aux progrès de l'ennemi, le soldat Jean Baptiste Ristori meurt des suites de blessures de guerre le 23 septembre à Cheppy (Meuse).

Au nord-ouest la course à la mer s'engage alors des deux côtés afin de contrôler les ports de Dunkerque et de Calais, lieux de débarquement des renforts britanniques. Durant le mois d'octobre, les offensives allemandes sont repoussées. 

Dans les combats d'octobre disparaissent deux Antisantais.

Le 29 octobre, Antoine Flori, fils de Marcel et d'Anne Marie Tedeschi, né le 3 janvier 1895, soldat au 173e régiment d'infanterie, est tué à l'ennemi à Béthincourt (Meuse) lors d'une attaque de la cote 281 à l'ouest du bois de Forges, attaque très violente et très dure menée contre des tranchées solidement établies. Antoine Flori repose au cimetière No 3 de Béthincourt. Il sera cité en 1920 : jeune engagé volontaire pour la durée de la guerre. Mort glorieusement pour la France, à son baptême du feu, alors qu'il montait crânement à l'attaque des positions ennemies, à Béthincourt, le 29 octobre 1914, et décoré de la Croix de guerre avec palme.

Son beau-frère, Juge Antoine Vincenti, fils de Don Louis et de Marie Felce, né le 1er janvier 1885, après des études au séminaire d'Ajaccio, s'était engagé volontaire au mois d'octobre 1905. Il avait par deux fois renouvelé cet engagement, la dernière fois au mois d'août 1913. Nommé sergent au 163e régiment d'infanterie, le 13 août 1914, il est tué à l'ennemi le 16 décembre lors de la prise de Lombaertzyde (Belgique) dont les maisons sont de vrais nids à mitrailleuses comme le signale l'historique du régiment. Il n'a survécu que quelques jours au décès de son épouse Catalina Flori.

À la fin de 1914, les deux camps s'enterrent dans les tranchées, faute de vainqueur.

1915 - LES TRANCHÉES

Les tranchées sont aménagées en lignes successives, entrecoupées de fil de fer barbelé et de champs de mines. Les soldats se terrent dans la boue (9) :

    Je crois n'avoir jamais été aussi sale. Ce n'est pas ici une boue liquide comme dans l'Argonne. C'est une boue de glaise épaisse et collante dont il est presque impossible de se débarrasser, les hommes se brossent avec des étrilles...

Le front n'est pas totalement figé : les tranchées sont prises, perdues et reprises sous un déluge d'obus. L'historique du 163e régiment d'infanterie décrit brièvement ces avancées et ces replis dans le secteur de Flirey :

    Les 6 et 7 avril, le Régiment livre des combats d'une violence inouïe dans les tranchées du secteur de Flirey, au cours desquels la première ligne ennemie est prise et reprise plusieurs fois. Le 20 avril, il s'empare de nouveau de cette première ligne ennemie et la conserve malgré trois contre-attaques désespérées de l'adversaire. Le 14 mai, il attaque les tranchées allemandes, s'en empare, résiste aux furieux assauts de deux contre-attaques, mais il est obligé d'abandonner son gain à une troisième qui décime la garnison. Dans ces quatre combats, le 163e perd 20 officiers et 1 500 hommes.

Les gaz de combat, utilisés pour la première fois par l'armée allemande le 22 avril 1915, à 17 heures, à Ypres en Belgique, provoquent la mort de 5 000 soldats. Rapidement utilisés par tous les belligérants, ils deviennent un instrument de terreur et marqueront profondément la mémoire du conflit, bien que les historiens leur attribuent seulement 20 000 décès.

Ange Ignace Mattei, né le 28 mai 1894, fils de Jean André et d'Eugénie Risterucci est soldat au 40e régiment d'infanterie. Au début du mois de janvier son régiment est  positionné non loin de Verdun. Le 5 janvier, le régiment part pour relever le 61e régiment d'infanterie dans le secteur de Béthincourt à quelques kilomètres de Verdun. Les tranchées remplies d'eau sont dans un état épouvantable. On travaille sans relâche à épuiser l'eau. La fusillade est incessante.
Le journal des marches et opérations du 40e régiment d'infanterie décrit les combats au milieu de la boue qui envahit les tranchées. Le 7 janvier :

La situation est très difficile pour le bataillon Santini. Les fusils noyés dans la boue sont hors d'état de service. Ordre est donné de résister à la baïonnette à toute attaque. De nombreuses patrouilles sont envoyées pour écarter l'ennemi. Les travaux de sape et d'amélioration de tranchées de boyaux de gabionnades continuent. La fusillade est incessante.
15 h 15 à 16 h 30 Violent bombardement de Béthincourt par de la grosse artillerie et de l'artillerie de campagne
22 h Une reconnaissance envoyée pour jalonner la direction de la passerelle principale sur le ruisseau de Forges et voir si les autres passerelles sont utilisables rend compte que toutes les passerelles sont sous l'eau, seul le passage du moulin pourrait servir.

C'est ce jour là qu'Ange Ignace Mattei est tué à l'ennemi à Cumières près du ruisseau de Forges.
En 1923, il sera décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze et la citation : soldat dévoué et brave. Tombé glorieusement au champ d'honneur, en faisant tout son devoir, le 7 janvier 1915, à Cumières.
 Il repose dans la tombe individuelle n°1142 de la Nécropole nationale de Chattancourt (Meuse).

En janvier et février, les Français tentent en vain une percée en Champagne. 

Jean Griscelli, fils de Pascal et d'Isabelle Baldovini, né le 1er janvier 1890, est soldat au 173e régiment d'infanterie. Il est tué à l'ennemi le 18 février au Bois Bouchot, commune de Mouilly (Meuse). En 1920, il sera cité : bon soldat, ayant donné le plus bel exemple de sacrifice en restant à son poste de combat malgré la violence du bombardement ennemi. Mort glorieusement pour la France, le 18 février 1915, secteur du bois Bouchot. Cette citation lui vaudra la Croix de guerre avec étoile de bronze. Son corps sera inhumé dans la tombe n°406 à la Nécropole nationale de Lacroix-sur-Meuse. Son nom est aussi gravé sur le monument aux morts de Vezzani. Il est par ailleurs signalé dans le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur.

Du côté de Verdun, le 26 février, les soldats allemands ont pour la première fois fait usage du lance-flamme dans le bois de Malancourt. 

Ange Antoine Cremona, est né le 4 janvier 1880, à Antisanti, de Paul Joseph et de Julie Marie Baldovini. Ouvrier auxiliaire aux constructions navales de Toulon, il est rappelé comme soldat au 112e régiment d'infanterie d'Hyères puis passe au  e régiment d'infanterie. Il décède le 27 février à l'hôpital militaire de Verdun des suites de blessures de guerre. Il repose dans la tombe individuelle n° 1484 de la Nécropole Nationale Faubourg Pavé à Verdun. Son nom apparaît sur le monument aux morts de La Seyne-sur-Mer, et sur une plaque commémorative, place Louis Blanc, à Toulon.

A la fin février 1915, à côté des 106e, 132e régiments d'infanterie et du 25e bataillon de chasseurs à pied, le 173e régiment d'infanterie prend part à la fameuse attaque des Éparges. Il conservera cette position malgré de furieux bombardements et les violentes contre-attaques ennemies :

Du 23 au 26 avril 1915, le régiment fait tête, avec le 67e d'infanterie, à l'attaque de trois divisions allemandes, attaque précédée de trois jours de bombardement. Mais notre 3e bataillon contre-attaque avec énergie, bouscule les éléments allemands qui avaient réussi à pénétrer dans une partie de notre première ligne de tranchées et dans la deuxième ligne de notre voisin de gauche (le 67e) ; il coupe ainsi à l'ennemi la route de Verdun.

Dans ces combats, le 24 avril, disparaissent deux antisantais, soldats du 173e régiment d'infanterie :

Dominique Casciani, fils de François et Marguerite Salati, né le 2 février 1887, soldat de la 4e compagnie, disparu aux Éparges (Meuse), Mort pour la France, et 
Pierre Toussaint Pulicani
, fils de Jean André et Marie Dominique Venturini, né le 7 mars 1887, soldat de la 2e compagnie Mort pour la France, tué à l'ennemi au Bois Bouchot (commune de Vaux-les-Palameix, Meuse). Il sera décoré à titre posthume en 1923 de la Croix de guerre avec étoile de bronze et la citation : brave soldat. Mort glorieusement pour la France, le 24 avril 1915, au bois Bouchot.

Pendant ce temps les soldats du 14e bataillon de chasseurs alpins, dont fait partie le chasseur Don François Vinciguerra, né le 19 avril 1890 de Dominique et de Marie Antoinette Altibelli, participent aux opérations des Vosges, combats dans lesquels ils conduisent l'assaut terriblement sanglant pour la possession de la ligne de crête. De l'Hartmannswillerkopf à la tête des Faux, de l'Hilsenfirst au Lingekopf, les chasseurs vont entrer dans la légende des corps d'élite, y gagnant de leurs adversaires le qualificatif de Schwarze Teufel, francisé en Diables bleus.

Le journal de marche du 14e Bataillon de Chasseurs Alpins décrit la sortie des tranchées, l'assaut vers la crête du Linge et les chasseurs rapidement cloués sur place par les tirs ennemis :

Tout chasseur qui se lève est tué... 50% de l'effectif de la compagnie est tombé... La 6e compagnie qui a perdu la moitié de son effectif reste accrochée devant la tranchée ennemie... Les chasseurs progressent en rampant. La crête du Linge va tomber entre nos mains..."
Après une violente contre-attaque allemande, les débris des 6 sections sont obligés de lâcher la crête et viennent occuper la première tranchée allemande enlevée à mi-pente. 
La nuit du 20 au 21 est relativement calme, marquée seulement par quelques fusillades, provoquées par les brancardiers qui vont relever entre les lignes nos morts et nos blessés.

Cet héroïque fait d'arme coûte vingt mille morts aux chasseurs alpins, dont le chasseur Don François Vinciguerra, tué à l'ennemi le 20 juillet à Lingekopf. En 1920, il recevra la citation suivante : glorieusement tombé au champ d'honneur au cours de l'attaque du 20 juillet 1915. A été cité. Il repose dans la tombe individuelle n°423 à Orbey (Haut-Rhin) dans la Nécropole nationale Le Wettstein, cimetière des Chasseurs, appelé encore cimetière du Linge.

Pour sa part, l'adjudant du 55e régiment d'infanterie, Pierre-Paul Jean Petrignani, se bat dans la Marne. Né à Antisanti le 22 juin 1888, il est le fils de Sauveur et d'Antoinette Marie Nicolaï qui résident à Venzolasca. Au début du mois de juillet, le 55e régiment d'infanterie participe aux combats de tranchées près de Vienne-le Château (Marne). C'est lors de l'attaque d'une tranchée allemande à la tête de sa section que Pierre-Paul Jean Petrignani meurt pour la France, tué à l'ennemi au bois de La Gruerie, comme le rappelle la citation qui lui est accordée : a été tué à la tête de sa section au moment où, par une contre-attaque vigoureuse, il pénétrait dans une tranchée occupée par l'ennemi.
Il repose dans la tombe individuelle n°1097 de la Nécropole nationale La Harazée dans la commune de Vienne-le-Château. Son nom figure sur le monument aux morts de la commune de Venzolasca et dans le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur.

Dans l'ensemble, les combats de 1915 se soldent par de très lourdes pertes (1,4 millions de tués, blessés ou prisonniers) sans amener de succès significatifs.

Jean-Michel Gea signale que devant le nombre de morts, la dureté des combats sans cesse renouvelés, les positions gagnées puis reperdues, les conditions de vie épouvantables, les mentalités des soldats Corses évoluent (1):

    Une fois cependant les combats enlisés dans les tranchées, les mentalités ne tardent pas à évoluer. Les correspondances des combattants adressées à leurs proches montrent le recul progressif du sentiment patriotique au profit d'un recentrement des scripteurs sur leur identité d'origine.

1916 - VERDUN, LA SOMME

Le 21 au 25 février février, les Allemands noient Verdun sous un déluge d'artillerie.

Jacques Vincenti, du 6e escadron de brancardiers, né le 20 janvier 1871 de Don Louis et de Marie Felce, est tué à l'ennemi par balle, le 23 février près du Fort de Belleville (Verdun, Meuse) alors que, comme brancardier, il se portait au secours d'un soldat blessé. Il avait 45 ans, c'est l'un des Antisantais les plus âgés morts au champ d'honneur. En 1920, lui sera octroyé la citation : brave soldat, qui a toujours fait son devoir. Tombé pour la France, le 23 février 1916, devant Verdun, citation qui lui vaudra la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Les allemands conservent l'avantage pendant quatre mois, parvenant à prendre, au prix de luttes acharnées, les forts de Douaumont (25 février) et de Vaux (2 juin) et les fortifications de Thiaumont (23 juin). Ces combats sont horribles (9) :

    tous mes camarades sont tombés morts ou blessés aux mains des boches qui nous ont fait souffrir les mille horreurs, liquides enflammés, gaz lacrymogènes, gaz suffocants, asphyxiants, attaques...

ou encore (9) :

    Ce n'est qu'un éclatement continuel d'obus de tous calibres. La terre entre Souville qui est à notre gauche et Thiaumont à notre droite semble laisser échapper des langues de feu et de fumée comme un volcan... nous apercevons les pauvres fantassins dans les trous d'obus. Quelle souffrance, mon Dieu, les pauvres !

Dans une tentative de reprise du fort, Antoine Renucci, fils de de Michel et de Gianica Marie Pulicani, né le 21 mai 1890, soldat au 122e régiment d'infanterie, est tué à l'ennemi le 7 août au lieudit Thiaumont, commune de Douaumont (Meuse).
Le journal de marche du régiment signale :

Bombardement continu de tout le secteur et particulièrement de la nouvelle ligne ouest de l'ouvrage de Thiaumont.
A 3 h 30 les allemands attaquent furieusement le front de la 2e compagnie. Ils sont repoussés et laissent plusieurs cadavres sur le terrain. Par deux fois ils reviennent à la charge toujours avec le même insuccès.

Les pertes du jour sont de 42 tués, 99 blessés et 9 disparus ; parmi eux, Antoine Renucci, Mort pour la France. Il repose dans la tombe individuelle n°1626 de la Nécropole nationale de Bras-sur-Meuse.

Les forts sont repris avant la fin de l'année. La durée de la bataille et l'étendue des pertes (360 000 Français et 330 000 Allemands) marquent à tout jamais les esprits.

Dans la bataille de la Somme les Français, épuisés par les combats de Verdun, ne peuvent engager que 16 divisions au lieu des 40 prévues. Ces combats débutent le 1er juillet ; 5 Antisantais y perdent la vie : 

Ange Félix Fratani, fils d'Antoine Dominique et de Doria Marie Guerrini, né le 5 janvier 1897, est soldat de 2e classe à la 6e compagnie du 8e régiment d'infanterie coloniale de Toulon.
Les premiers jours du mois de juillet 1916, ce régiment prend part à la bataille de la Somme dans le secteur d'Herbécourt, Dompierre et Flaucourt.
Le 2 juillet, il s'élance à l'assaut de son objectif, deux tranchées à trente mètres l'une de l'autre, protégé par des réseaux de fil de fer encore intacts et flanqué par des mitrailleuses ; il est fortement occupé par l'ennemi.
L'historique du régiment décrit cette lutte âpre et meurtrière :

Malgré la chaleur torride et la privation d'eau, c'est avec un allant superbe, qu'à 16 h. 30, après une pénible journée passée dans l'immobilité la plus complète et dans l'attente fiévreuse de l'attaque que, les premiers pelotons des 7e, 8e et 9e Compagnies, s'élancent vers l'objectif assigné.
Mais prises à partie dès leur sortie de la parallèle de départ par le tir des mitrailleuses qui leur infligent des pertes sévères, nos troupes ne peuvent progresser : la 8e compagnie, a ses trois officiers tués, la 7e compagnie en a un.
Cette lutte âpre et meurtrière, dure jusqu'à 19 h.
Les 9e et 11e compagnies, envoyées en renfort dès la tombée de la nuit, entreprennent alors une lutte à la grenade qui après avoir duré toute la nuit est couronnée de succès. A la pointe du jour les Allemands se replient en désordre, nous abandonnant une trentaine de prisonniers et trois mitrailleuses.

Le lendemain, le régiment enlève le village de Flaucourt occupé par un détachement ennemi. Il est ensuite relevé par le 38e régiment d'infanterie coloniale.
Grièvement blessé lors des combats du 2 ou 3 juillet, Ange Félix Fratani meurt pour la France par suite de blessures de guerre à l'Hôpital d'évacuation 13, de commune Marcelcave-les-Buttes (Somme), le 5 juillet 1916 à 22 h 15. C'est l'un des plus jeunes des morts antisantais. Engagé volontaire, il avait 19 ans. Il laisse seules sa mère et ses deux sœurs.
Il repose dans la tombe individuelle n°141 de la Nécropole nationale Les Buttes.

Jacques François Baldovini, né le 9 mai 1879 de Jean et de Madeleine Baldovini, soldat au 363e régiment d'infanterie, tué à l'ennemi le 3 août à Curlu (Somme). Pour sa conduite valeureuse lors du combat, il est cité à l'ordre du régiment le 16 août : Très belle conduite pendant une contre attaque. A contribué à l'échec de cette contre attaque au cours de laquelle il a été tué. Et il reçoit, à titre posthume, la croix de guerre avec étoile de bronze. Il repose dans la tombe individuelle n°716 de la Nécropole nationale de Biaches. Son nom est aussi gravé sur le monument aux morts de Vezzani.

Pierre Paul Lucciardi, fils de Jules Antoine et d'Angèle Estelle Battesti, né le 27 juillet 1883, soldat au 229e régiment d'infanterie, tué par un obus le 7 août à la Ferme de Monacu dans la commune de Hem-Monacu (Somme). Il sera inscrit au tableau spécial de la médaille militaire à titre posthume en 1921 avec la mention suivante : a été tué dans notre attaque du 7 août 1916 a été cité.

André Casanova, né le 6 mars 1880, fils de Dominique François et de Gracieuse Salati, est soldat à la 18e compagnie du 363e régiment d'infanterie. Le 3 septembre, ce régiment attaque la tranchée de Terline à Maurepas (Somme) : 

Conformément aux instructions reçues, le 363e régiment d'infanterie est sorti de ses parallèles de départ à 12 heures et a attaqué la tranchée de Terline. 
Il a atteint son objectif, malgré la violence du bombarde et la résistance qu'il a éprouvé sur la ligne de défense "route de Maurepas-Cléry" (niches nombreuses). 
Immédiatement après le combat, le régiment a organisé la position conquise. Les deux bataillons de 1ère ligne (5e et 7e) ont réorganisé la tranchée de Terline et la route à l'est de cette tranchée... 
Pendant la nuit, l'ennemi a collé sa nouvelle position et une lutte à la grenade s'est engagée pendant la plus grande partie de la nuit à la tranchée Terline.
 

Ces combats font 46 tués, 420 blessés et 116 disparus. Parmi les tués, André Casanova, tué à l'ennemi dans la tranchée de Terline ce 3 septembre
Il repose dans la tombe individuelle n°332 de la Nécropole nationale Le Bois des Ouvrages à Cléry-sur-Somme.

Antoine Dominique Lungheretti, né le 26 novembre 1880 de Léopold et de Marie Victoire Pancrazi, est lui aussi soldat au 229e régiment d'infanterie. Le 3 septembre, une des missions du régiment est de s'emparer de la tranchée de Mossoul à Cléry sur Somme :

Le régiment prononcera une attaque le 3 septembre à 12 heures.
Le régiment a pour mission de s'emparer de la route de Maurepas et des chemins creux parallèles, du ravin du bois des Riez et du bois 2 - nettoyer les talus du ravin et le ravin lui même ; de s'emparer de la tranchée de Mossoul...

C'est en s'emparant de la tranchée de Mossoul qu'Antoine Dominique Lungheretti meurt pour la France, tué par balle ce 3 septembre.
Il sera inscrit au tableau spécial de la médaille militaire à titre posthume en 1921 avec la citation : brave soldat. A été tué pendant nos attaques du 3 septembre 1916 en se lançant à l'assaut de la position ennemie.

Les combats se prolongent jusqu'à la mi-novembre ; 325 km2 de territoire sont gagnés à l'ennemi, mais la tentative de percée a échoué.

Enfin, Paul Antoine Angelini, né à Antisanti le 7 décembre 1862 d'Antoine Louis et d’Anne Marie Marchi, qui avait été nommé lieutenant de réserve par le décret présidentiel du 19 mai 1908 et avait été libéré du service militaire le 1er octobre 1908, a malgré tout rejoint le 173e régiment d'infanterie. Le 13 novembre, il meurt à l'hôpital de Corte, par suite de maladie contractée en service. Il avait 54 ans. C'est le plus vieil Antisantais Mort pour la France.

1916 - L'ARMÉE D'ORIENT

À la fin de l'année 1916, les soldats de l'armée d'Orient combattent non loin de Salonique. Là, s'ils ne décèdent pas par balle, les soldats mourront du paludisme ou de la dengue qui décimeront les unités. C'est le cas de Guillaume Pierre Cabrolier, fils de Guillaume Jean et de Julie, né le 7 janvier 1881 à Valady (Aveyron), nommé en 1907 gendarme à pied à la 15e légion de gendarmerie à Antisanti, et qui a été mobilisé dans l'armée d'Orient. Il meurt pour la France le 22 octobre 1916 à l'hôpital militaire de Salonique, décédé de suites de paludisme contracté en service commandé. Il a été inhumé au carré militaire français de la nécropole de Zeitenlick à Salonique, tombe 2091.

Pendant ce temps et ce jusqu'à l'armistice, ses camarades valides seront engagés dans les opérations de rupture du front de Macédoine.

1917 - ARTOIS ET CHEMIN DES DAMES

La bataille d'Artois est remportée par les Britanniques mais il s'agit là encore d'un succès très éphémère. Par contre, l'attaque du Chemin des Dames organisée par Nivelle, le 16 avril, est un désastre : les pertes s'élevèrent à 147 000 hommes, dont 40 000 tués et plus de 100 000 blessés, en moins de deux semaines.

Cependant, cette année là, un seul Antisantais perd la vie au Chemin des Dames. Il s'agit d'Ange Toussaint Griscelli, né le 9 octobre 1897 à Antisanti, fils de Pascal et d'Isabelle Baldovini. Il est chasseur de 2e classe à la 7e compagnie du 46e bataillon de chasseurs à pied de Nice. Il meurt pour la France le 10 août 1917 avec 23 autres soldats, tué à l'ennemi à l'Épine de Chevrigny. Il sera décoré à titre posthume de la médaille militaire en 1920 avec la mention : très brave au feu. S'est porté hardiment en avant, au moment de la contre-attaque. A été tué en poursuivant l'ennemi, le 10 août 1917, à l'Epine-de-Chevrigny. A été cité.
Il est inhumé dans la tombe individuelle n°486 de la Nécropole Nationale de Vailly-sur-Aisne. Son nom est gravé sur le monument aux morts de Vezzani et apparaît dans le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur.

1918 - LA FIN DE LA GUERRE

Le début de l'année est marqué par les succès de l'armée allemande en Picardie et pour le village d'Antisanti par le décès de Dominique Félix Griscelli. Né le 6 janvier 1893 de Pierre Toussaint et de Marie Cécile Marchioni, il est soldat au 10e régiment de cuirassiers et vient de combattre durant les mois de mars et d'avril dans la Somme, au mont Kemmel. Il meurt pour la France le 28 mai à l'hôpital auxiliaire n°3 à Marseille des suites de blessures de guerre. Il repose dans la Nécropole Nationale "Luynes" à Aix-en-Provence dans la tombe individuelle n°16, carré C, rang 7. Son nom est gravé sur le monument aux morts de Vezzani et apparaît dans le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur.

Après avoir réussi à maintenir l'avancée allemande, les français organisent une première contre-attaque, le 18 juillet, qui repousse l'ennemi. Les Allemands perdent définitivement l'initiative au profit des Alliés.

Joseph-Marie Ersa est né le 2 février 1880 à Antisanti de père inconnu et de Victoire Ersa. Il est sergent au 22e régiment d’infanterie coloniale. C'est un soldat brave qui a déjà à son actif deux citations. La première reçue le 15 juillet 1916 : Venu volontairement au front, a pris part à l'assaut du 2 juillet 1916 avec beaucoup de bravoure et s'est toujours maintenu sur la ligne quoique atteint d'une entorse au pied et blessé au bras gauche au début de l'action qui s'accompagne de la croix de guerre avec étoile d'argent, la seconde en date du 13 novembre 1917 : Caporal mitrailleur chef de pièce. A donné le plus bel exemple de valeur et de sang froid durant l'attaque ennemie du 12 octobre 1917 et sous un feu de barrage d'artillerie des plus violents. Cette dernière citation ajoute une étoile de bronze à sa Croix de guerre.
Du 15 au 23 juillet, le 22e régiment d’infanterie coloniale combat dans la Marne, à l’est de Reims, à la Cote 240. Le corps d'armée colonial et les divisions qui lui sont rattachées vont faire échouer la grande offensive allemande soigneusement préparée, dont le but était l'encerclement de la montagne de Reims par Châlons et Epernay. Dans ces combats, Joseph-Marie Ersa meurt pour la France, tué à l'ennemi à Pourcy le 18 juillet 1918.
En 1920, une troisième citation lui est accordée : venu au front comme volontaire, le 22 avril 1915. Deux fois cité à l'ordre du régiment. Tué à l'ennemi, devant Reims, le 18 juillet 1918. Gradé très méritant, mention qui complète sa Croix de guerre par une étoile de vermeil.
Il repose dans la tombe individuelle n° 3886 de la Nécropole nationale de la commune de Sillery (Marne). Son nom figure sur le monument aux morts de la commune de Venaco.

Le 8 août commence la contre-attaque qui devait entraîner la capitulation allemande trois mois plus tard.

À la mi août, Paul Toussaint Biancardini, fils de Paul François et de Marie Jéromine Griscelli, né le 23 mars 1877 à Vezzani, résidant à Antisanti, soldat de 1ère classe au 22e régiment d'infanterie coloniale, embarque sur le vapeur Le Balkan. Incorporé au 163e régiment d’infanterie comme appelé, le 14 novembre 1898, il s'est plusieurs fois rengagé et a déjà à son actif plusieurs campagnes en Cochinchine, au Cambodge, au Tonkin et en Indochine avec les troupes coloniales. En 1918, son régiment a participé à la troisième bataille de Champagne. En mai – juin, il a combattu lors de la bataille de la montagne de Reims, puis du 15 au 23 juillet avec son camarade, Joseph-Marie Ersa, à l’Est de Reims, Cote 240. Après une prise d'armes et une remise de décorations à Tours-sur-Marne, le 11 août, le journal des marches et opérations du régiment indique : du 15 au 31 août "rien à signaler". Les soldats sont en permission et Paul Toussaint Biancardini retourne en Corse.
La traversée s'avère problématique le navire à vapeur est ancien, petit et lent (les autres bateaux ont été réquisitionnés).
De plus, la guerre sous-marine à outrance, décidée par l'amirauté allemande, n'épargne pas la Méditerranée ; à plusieurs reprises des voiliers italiens ont été détruits à proximité des côtes insulaires.
Dans la nuit du 15 au 16 août, Le Balkan est torpillé au large de Calvi par un sous-marin allemand. Il sombre. 400 passagers et hommes d'équipage, parmi lesquels 300 soldats permissionnaires sont noyés ; seuls 102 survivants sont sauvés.
Parmi les noyés se trouve Paul Toussaint Biancardini.
Son nom figure aussi sur le monument aux morts de Vezzani et dans le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur.

Pendant ce temps se déroulent les combats de la Bataille de Picardie. Le 22 août, le soldat du 168e régiment d'infanterie Germain Benedetti, fils de Sébastien et de Rose Palmesani, né le 25 décembre 1896, grièvement blessé par des éclats d'obus, décède à l'ambulance 16/22 (10). Il a fort probablement été blessé deux jours auparavant lors des combats qui se sont déroulés dans la région de Morsain et que signale le journal des marches et des opérations du régiment. Comme tous les soldats morts dans les baraquements, situés derrière le château, et qui servaient d'hôpital, il repose à la Nécropole nationale Villers-Cotterets (Aisne). Sa tombe porte le n°2294.

Paul Bursachi, né le 12 février 1897, fils de Jean Étienne et de Marie Joséphine Maestracci, soldat de 2e classe au 86e régiment d'infanterie, se bat avec son régiment dans les Ardennes. Il meurt pour la France lors d'une attaque le 1er novembre 1918 dans le secteur de Vandy (près de Vouziers dans les Ardennes), tué à l'ennemi. Un seul extrait du journal des marches et opérations suffit à donner un ordre d'idée de l'âpreté des combats : 

Dès le début, notre progression est extrêmement difficile. Le 3e bataillon souffre particulièrement : la 10e compagnie perd tous ses officiers et est réduite à une vingtaine d'hommes en quelques minutes. 

Autre témoignage de l'âpreté des combats, le régiment sera cité le 3 décembre à l'ordre du corps d'armée par le général commandant le 9e corps d'armée. 
Paul Bursachi repose dans la tombe individuelle n° 173 de la Nécropole nationale Chestres à Vouziers.

Quelques mois plus tard, le 11 novembre, à 5h15, l'armistice entre les Alliés et l'Allemagne est signé dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne. A 11 heures, au front, les clairons sonnent le cessez-le-feu et dans toute la France, les cloches des églises sonnent à la volée.

L'armistice laisse derrière lui huit millions de morts au combat, dont 1,4 millions de Français, et six millions de mutilés. 10 282 soldats nés dans l'île de Beauté sont déclarés Morts pour la France (11), un grand nombre sont blessés dont 19 000 sont grands invalides.

Certains soldats encore décéderont dans les années qui suivent. C'est le cas de Mathieu Olivesi, né le 8 avril 1878 à Antisanti de Charles François et de Marie Jéromine Battini, ancien sapeur au 5e régiment du génie.
Avec son régiment, durant toute la guerre, il a réparé les voies endommagées par les combats afin de maintenir les lignes logistiques, et il a continué de faire après l’armistice de 1918, étant donné l’étendu des dégâts dans les zones dévastées par les combats. Les besoins sont à ce ponit considérables qu'on signale qu'un total de près de 100 000 hommes du 5e RG, dont des coolies chinois, des travailleurs indochinois et malgaches, ont rétablit les voies. Pour sa part, Mathieu Olivesi est mis en congé illimité de démobilisation, le 28 janvier 1919, par le dépôt mobilisateur du 7e régiment du génie, et se retire à Venaco. Et c’est dans son foyer, à Venaco, qu’il meurt par suite de maladie contractée en service, le 11 février 1919. Déclaré Mort pour la France, son nom figure sur le monument aux morts de la commune de Venaco et dans le Livre d'Or des Corses tombés au Champ d'Honneur.

La loi du 30 juillet 1920 statue sur l'organisation des cimetières militaires, la restitution des corps aux familles qui en font la demande et leur transfert aux frais de l'État. Mais les opérations ne commencent qu'en janvier 1921 : dans chaque département, une gare réceptionne et réexpédie des cercueils de militaires exhumés des cimetières du front ; des honneurs militaires et civils sont rendus à l'ouverture de chaque wagon ou bien la Marseillaise retentit.

Les survivants veulent croire que cette guerre qui s'achève restera la dernière de l'Histoire, la der des der..

  1. Jean-Michel GEA, "Continuité et rupture du sentiment patriotique des soldats Corses durant la Première Guerre mondiale", 128e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Bastia, 2003.
  2. Bien que nés au village, tous ces soldats n'apparaissant pas tous sur le monument aux morts d'Antisanti. En effet, les noms des soldats Morts pour la France sont gravés sur les monuments des villes et villages où ils résidaient et où ont été adressés leurs actes de décès, Corte, Vezzani, Venaco, Venzolasca, La Seyne-sur-Mer, Toulon ... Certains sont signalés dans l'ouvrage de François Petreto et Jean-Claude Fieschi, le Mémorial des poilus Corses, auquel nous avons emprunté quelques photos présentées en vignette et appartenant généralement aux archives d'Anne-Marie Mattei.
  3. L'état civil d'Antisanti est visible sur le site du Conseil Général de la Haute-Corse. Les dossiers militaires sont visibles sur le site des Archives départementales de Corse-du-Sud
  4. Les informations sur les régiments et les batailles sont extraites des sites Internet qui traitent de la grande guerre.
  5. Les fiches des soldats Morts pour la France ainsi que leur lieu d'inhumation et les journaux de marche des régiments sont consultables sur le site Mémoire des hommes.
  6. La mention Mort pour la France fut créée par la loi du 2 juillet 1915 modifiée par la loi du 28 février 1922. Cette mention est attribuée aux hommes décédés jusqu'à la fin des hostilités fixée par la date de promulgation de la loi fixant la date de la fin des hostilité, le 24 octobre 1919. La loi du 29 décembre 1915 donne droit à la sépulture perpétuelle aux frais de l'État aux militaires Morts pour la France. Et selon la loi du 27 avril 1916, un diplôme d'honneur, portant en titre "Aux morts de la grande guerre, la patrie reconnaissante" est remis aux familles des défunts par les autorités.
  7. Le jugement rendu au tribunal de Corte tient lieu d'acte de décès. Il est transcrit sur les registres de l'année courante de la mairie d'Antisanti. Mention en est faite à la date du décès sur les registres de la mairie.
  8. Certaines citations parues dans le Journal Officiel de la République Française ont pu être retrouvées sur le site de la Bibliothèque nationale de France et sont signalées dans cette page. À chaque citation correspond un insigne différent qui s'agrafe sur le ruban de la Croix de guerre : citation à l'ordre du régiment : étoile de bronze ; citation à l'ordre de la brigade : étoile de bronze ; citation à l'ordre de la division : étoile d'argent ; citation à l'ordre du corps d'armée : étoile de vermeil ; citation à l'ordre de l'armée : palme de bronze.
  9. Lettres de Jules Grosjean, de Georges Gallois et de René Vilar dans "Paroles de Poilus", Collection Librio, Paris, 2000.
  10. Au début du siècle, c'est le nom des postes de secours ; il s'agit donc du poste de secours n°16 du 22e Corps d'Armée.
  11. C'est le nombre de réponses que l'on obtient sur le site Mémoire des Hommes en donnant la Corse comme lieu de naissance.