Antoine Marie Marchi est né le 8 janvier 1878 de Dominique et d'Angèle Estelle Salvadori (1, 2). Selon les Missions Étrangères de Paris, il fait ses études primaires et secondaires et le Grand séminaire à Chartres (3, 4).

Lors du conseil de révision passé à Vezzani, les médecins militaires notent qu'il a les cheveux noirs, les yeux gris, le front bombé, le nez moyen, et le visage rond, et qu'il mesure 1,66 mètre.

Il s'engage pour trois ans le 15 novembre 1898 à la mairie d'Ajaccio. Il est incorporé au 163ème régiment d'infanterie en garnison à Nice. Son engagement volontaire lui permet, en tant qu'élève ecclésiastique et selon la loi, d'être envoyé en congé après une année de présence sous les drapeaux. Aussi, il est libéré le 20 septembre 1899 avec un certificat de bonne conduite. Il rejoint alors Chartres afin de poursuivre ses études.

En 1901, il retourne au village où il se trouve au 26 juillet.

Il est ordonné prêtre le 29 juin 1902 et entre au Séminaire des Missions Étrangères, 128 rue du Bac à Paris, le 25 juillet suivant.

Un an après, le 22 juillet, il part pour le Laos en compagnie de ses confrères Jean-Baptiste Beigbeder et Eugène Barriol pour aller travailler en mission sous l'autorité de Monseigneur Joseph Cuaz, vicaire apostolique du Laos. Le 26, ils embarquent à Marseille avec nombre de jeunes missionnaires de la Société des Missions Étrangères de Paris qui vont rejoindre leurs affectations au Japon, en Mandchourie, au Tonkin, en Cochinchine....

Il débute à Ubon (ou Oubon), plus ancien poste catholique de la mission du Laos. Nommé vicaire du père Dabin, il apprend la langue lao et commence son travail de missionnaire.

Lors de sa tournée épiscopale, le 23 janvier 1906, Monseigneur Cuaz, l'installe dans son nouveau poste de chef de district à Sithan (ou Si-than), annexe d'Ubon, à 5 heures de cheval. Sithan est situé sur la rive droite du Moun ; aux environs, derrière de verdoyantes touffes de bambous, s'abritent de nombreux villages. Le père Marchi est le premier prêtre en charge de Sithan. Là, il administre 158 chrétiens, prépare une quarantaine de catéchumènes au baptême, et termine la construction de la nouvelle chapelle du poste.

A Sithan, il est aussi le confesseur extraordinaire des Amantes de la Croix, religieuses indigènes, dont l'ordre a été fondé au dix-septième siècle par les premiers missionnaires pour s’occuper des enfants et des mourants.

Après cela, c'est au nord de la mission, à Changming (Xangming ou Xang Ming), qu'on le trouve pendant cinq ans (1909-1914). Le district de Xang Ming contient plus d'un millier de chrétiens, il a trois annexes dont une compte près de 300 chrétiens.

Les maladies, la famine sont le lot des administrés du père Antoine Marie Marchi. Il écrit à Constant Jean Baptiste Prodhomme, supérieur du Laos :

Les villages païens, dans mon voisinage, ont souffert du choléra, de la variole et du manque de riz. Xang Ming et ses annexes ont seulement à déplorer la perte de quatre petits enfants âgés de moins d'un an. Pourtant, le riz a souvent fait défaut. La récolte de l'année dernière a été des plus médiocres par suite de la sécheresse ; les effets s'en font surtout sentir maintenant ; cette denrée est à un prix absolument inabordable.

Le père Marchi prend son travail de missionnaire à coeur, il ne ménage pas sa peine et baptise plusieurs dizaines d'adultes chaque année. Ce dont le félicite l'évêque du Laos dans un de ses rapports :

A Xangming, M. Marchi a cueilli une belle gerbe de baptêmes d'adultes. Il a encore bon nombre de catéchumènes établis dans le poste même, mais leur assiduité au catéchisme laisse un peu à désirer. Leur esprit était hier encore imbu du fétichisme laotien et le missionnaire doit veiller à certaines pratiques superstitieuses qu'entraîne la crainte toujours renaissante des mauvais génies.

De plus l'évêque du Laos Monseigneur Prodhomme se plait à signaler que le père Marchi est un brillant orateur :

Après l'évangile, M. Marchi nous avait tenus sous le charme de sa parole pendant près de trois quarts d'heure.

Il va jusqu'à reproduire dans un de ses rapports une histoire édifiante qui lui a été contée par le père Marchi :

Un païen, adjoint au maire dans un chef-lieu de canton, et bien connu pour ses opinions anti-chrétiennes, quoiqu'il eût des parents et des amis catholiques, a été, dernièrement, l'objet dune grâce spéciale, qui mérite être rapportée.
Il y a peu de temps, la femme du dit adjoint mit au monde un bel enfant ; mais, hélas ! à peine était-il né, que le sang lui sortit des oreilles, des yeux, des narines, de la bouche ; il allait mourir. Tous les païens présents, et ils étaient nombreux, de nommer aussitôt tel et tel génie, à qui il fallait recourir pour obtenir la guérison de l'enfant moribond. Que se passa-t-il alors dans le coeur du malheureux père ? Je l'ignore. Le fait est qu'il dit aux païens : « Demeurez tranquilles, vous autres, et laissez-moi faire tout seul. » Alors il prit l'enfant et le porta dans sa chambre. Là, il ouvrit un catéchisme qu'il avait en sa possession, malgré les opinions qu'il professait extérieurement, chercha la page où était indiquée la formule du baptême, mit de l'eau dans une tasse et ondoya l'enfant. Instantanément, le sang cessa de couler, l'enfant était guéri ! Les païens n'en reviennent pas, et crient au miracle ! 
Une quinzaine de jours plus tard, le père et la mère apportaient à l'église leur enfant, et priaient le missionnaire de vouloir bien lui suppléer les cérémonies du baptême. Le missionnaire s'empressa de le faire, et profita de l'occasion pour instruire les parents du devoir qui leur incombait, de témoigner à Dieu leur reconnaissance en se faisant chrétiens.

Bon conteur, le père Marchi est aussi poète. Le 24 novembre 1913, les missionnaires du Laos fêtent Monseigneur Prodhomme, récemment nommé et lui expriment leurs sentiments de vénération et d'obéissance. Le père Marchi a pour l'occasion composé une poésie dont la strophe finale s'inspire ingénieusement du blason épiscopal de l'évêque : une étoile luisant au dessus des vagues bouleversées avec cette devise : Sub tuum proesidium (Sous ta protection). Cette strophe est rapportée par Les Missions catholiques, bulletin hebdomadaire de l'Oeuvre de la propagation de la foi, dans son numéro du 2 janvier 1914 :

Étoile du Matin, entends ma voie, Marie !
Sur les flots démontés d'une mer en furie,
Dans la nuit, nous voguons ; les regards vers les Cieux.
Échauffe notre coeur, sois lumière à nos yeux ;
Montre dans tes rayons la route à la nacelle.
Pilote et passagers, prends-nous sous ta tutelle.
Marie, accueille-nous au port des bienheureux.

Le père Marchi n'est pas non plus dénué d'humour comme il le montrera en 1924, lors du jubilé du Père Dabin qui a atteint 50 années de service. Lors du repas, après que plusieurs toasts aient été portés au vénéré jubilaire, le père Marchi retracera avec humour la vie tout édifiante de celui avec lequel il avait fait ses premiers pas au Laos.

Enfin on signale qu'il avait aussi un don pour la musique.

En 1914, il s'embarque pour répondre à l'appel de mobilisation du 1er août. Il rejoint son régiment le 9 octobre. Son registre matricule signale qu'il passe à la 5ème section d'infirmiers militaires de Paris, puis le 11 mai 1918, à la 1ère section d'infirmiers militaires de Lille. Les documents des archives des missions étrangères de Paris le signalent aux Dardanelles puis à Salonique et sa notice biographique indique qu'après Salonique, il devient interprète des Siamois dans le Palatinat.

Le 23 septembre 1914, il a la douleur de perdre son neveu, Jean Baptiste Ristori, fils de sa soeur Marie, soldat du 24ème Bataillon de chasseurs à pied, mort pour la France des suites de blessures de guerre à Cheppy (Meuse) lors de la bataille de Morhange.

Démobilisé en 1919, Il rejoint le village d'Antisanti. Là il demande et obtient la construction de l'autel du Sacré coeur de Jésus en mémoire des soldats Antisantais morts pour la France. Cet autel sera financé par la première représentation théâtrale à Antisanti. C'est aussi à son initiative que le clocher sera démoli en 1921, et reconstruit sur le côté nord de l'église.

II regagne ensuite le poste le Changming où il travaille jusqu'en 1925. En 1922, dans son premier compte rendu, Monseigneur Ange Marie Gouin qui succède comme nouveau pasteur de la Mission du Laos à Monseigneur Prodhomme signale la charge de travail que représente pour le père Marchi l'administration de ce poste :

M. Marchi, chargé du poste de Xang Ming, a recueilli 64 baptêmes d'adultes. Il lui faudrait de l'aide.

Car le père Marchi est aussi un bâtisseur : il a élevé deux églises, une à Nongdeun, l’autre à Nakham qui sera terminée au mois de juillet 1925. Il a aussi à coeur la propagation de la culture et le recrutement des maîtres d'école, comme il le signale dans une lettre à son évêque :

À Xangmin, chef-lieu de canton, la question des écoles est peut-être plus difficile qu'ailleurs et ce sont surtout des maîtres d'école qui me manquent.

Atteint d'une dysenterie rebelle, en août 1925, il doit faire un séjour à Hongkong, au sanatorium de Béthanie construit vers 1875 par les Missions Étrangères de Paris pour les prêtres malades. Là un docteur lui ordonne un séjour en France et lui impose un régime très strict. Il regagne alors la Corse et son village d'Antisanti. Mais il lui tarde de rejoindre son poste au Laos. D'Antisanti, il déclare dans une lettre adressée à son évêque :

Je ne suis point fait pour des civilisés ; il me faut la brousse, guéri ou non.

Pendant ce temps, à Changming, le père Lacombe, qui a dû quitter Champhen, où il avait tout construit à neuf à son retour de la guerre, pour remplacer le père Marchi, se félicite de l'état dans lequel celui ci a laissé son district. Il en rend compte à l'évêque :

Le bon grain jeté à pleines mains par le Père Marchi continue de germer et à porter des fruits. J'ai trouvé à Xangming, surtout au poste central, un excellent noyau de chrétiens convaincus, fidèles à la réception des sacrements.

Dès 1927, le père Marchi revient au Laos. La Chronique des Missions et des Établissements communs se fait l'écho de son retour :

Du renfort nous arrive ! Le père Marchi est de retour du pays natal.

L'année suivante, le clergé laotien célèbre les noces d'argent sacerdotales de Monseigneur Gouin, vénéré Vicaire Apostolique, et du père Marchi (Sur la photo de l'événement, Antoine Marie Marchi est assis au premier rang, le cinquième à partir de la gauche. A sa gauche, Monseigneur Gouin). Ces noces récompensent leurs 25 années de service religieux. A la messe solennelle, célébrée conjointement par les deux prêtres entourés de 27 missionnaires, succède le baptême des trois cloches de la cathédrale. Puis le père Marchi reçoit le tribut des louanges et des félicitations de ses confrères. Enfin, la fête terminée, l'évêque l'envoie à Thungmon (ou Thung-Mon), un beau district d'environ 500 chrétiens, pour se reposer.

Là, selon l'évêque :

M. Marchi, vu son état de santé, ne peut faire de longues courses, mais il en fait beaucoup de petites.

Car le père Marchi sillonne son district, soignant les corps et les âmes. Il décrit ainsi sa vie à Thungmon à Monseigneur Gouin :

Tout près de Thung-Mon, se trouvent trois villages païens ; chaque semaine, le jeudi et le dimanche, je fais une petite tournée dans l'un ou l'autre, à la recherche des enfants moribonds, essayant d'apprivoiser les Laotiens. Mes remèdes gratuits sont bien reçus, nous causons de la pluie et du beau temps, de la récolte et des malades, sans oublier la question religieuse. Il s'agit de gagner leurs sympathies avant d'aller plus loin.

Lequel le félicite pour sa manière de conquérir les âmes :

C'est là un excellent moyen d'apostolat que je tiendrais à voir se propager de plus en plus.

Vers 1930, l'évêque le transfère à Siengvang (ou Xieng Vang), sur la rive laotienne du Mékong, où il va rester longtemps et où il s'occupe du couvent des religieuses.

Il va là aussi faire preuve de ses talents de bâtisseur. Sur un terrain acquis à Savannakhet par son prédécesseur, le père Excoffon, et grâce à un généreux bienfaiteur, il lance la construction d'une église.

Sa dysenterie tenace ne l'empêche pas d'assurer ses fonctions et de quitter son district. Au mois de mai 1932, il se rend à Vientiane pour y prêcher sainte Jeanne-d'Arc, et le 26 juillet 1932, lors de la fête patronale de la cathédrale du Laos, en compagnie des pères Lazare, Figuet, Malaval, Barbier, Chabanel et Bayet, il prête son concours au curé du lieu.

Au mois de mars 1945, les Japonais s’emparent du pouvoir dans les trois pays de l’Indochine française dont le Laos. Ils fusillent Monseigneur Gouin, Monseigneur Thomine, le père Jean Thibaud et plusieurs citoyens français dans la région de Thakhek ainsi que le père Jean Fraix (1906-1945) dans la région de Savannahkhet. Les autres pères se cachent dans la forêt ou s’enfuient vers la Thaïlande. Pour sa part, le père Marchi va se réfugier à Thungmon un certain temps avant de regagner Siengvang.

En 1948, Monseigneur Claudius Philippe Bayet, récemment nommé vicaire apostolique, envoie le père Jean Évrard étudier la langue Lao en compagnie du père Georges Rassinier à Siengvang auprès du père Marchi. On peut trouver dans la notice nécrologique de Jean Évrard la description du père Marchi à cette époque, et le récit des relations que les deux prêtres, l'un alors âgé de soixante-dix ans, l'autre ayant la moitié de cet âge, ont noué pendant trois mois :

M. Marchi, né en Corse en 1878, était alors âgé de soixante-dix ans et avait vécu seul quarante-cinq ans dans cette mission. Atteint d’une dysenterie tenace, il ne mangeait que des légumes bouillis agrémentés d’un peu de viande séchée « comme on le fait en Corse ». La recette était sans doute mal suivie, car la viande prenait alors les qualités du caoutchouc. M. Marchi la mâchait consciencieusement, dans la mesure où les quelques dents qui lui restaient le lui permettaient. Grand ascète, il était habitué à ne rien dépenser et pratiquait une pauvreté farouche. Il garda pendant près de cinquante ans sa soutane d’ordination, qu’il ne mettait d’ailleurs guère, se confectionnait lui-même des soutanes, créant ainsi de nouvelles formes de vêtement ecclésiastique. Ses chaussures avaient « leur droit de regard » tantôt ici, tantôt là. Les visiteurs de M. Marchi étaient surpris par le règlement de la maison : interdiction de parler pendant les repas et pendant le couvre-feu, qui durait de 20 h jusqu’après le petit déjeuner.

Jean resta trois mois avec M. Marchi, devant se contenter de l’ordinaire du curé du lieu. Il ne s’en plaignit pas, il ne se plaignait jamais de rien. Mais il y eut des heurts avec le curé. Jean était alors « fou » de scoutisme. Sur ce sujet, il était intarissable. À l’en croire, le scoutisme allait convertir l’Asie. Ces discours eurent le don d’énerver M. Marchi qui n’avait eu connaissance du scoutisme que par des racontars sur les scouts thaïlandais, accusés pendant la guerre d’être devenus une force paramilitaire. Le règlement de la maison empêchait certes ces heurts de se prolonger longtemps. Mais pour Jean, le choc de l’arrivée fut rude.

Les trois mois révolus, le père Jean Évrard alla continuer l’étude du laotien à Savannakhet, puis à Khampeng.

Après ses noces d'or en 1953, le père Marchi s'affaiblit de plus en plus et ses jambes le portent mal : il doit se retirer à Thakhek où après beaucoup de souffrances, il s'éteint le 24 janvier 1955.

Poète et musicien, il était le boute-en-train de la Mission tout en restant très charitable. Il laisse à tous l'image d'un prêtre tout à son devoir.

  1. La plus grande partie des informations proviennent de la consultation du site Internet des archives des missions étrangères de Paris.
  2. Le dossier militaire d'Antoine Marie Marchi est visible sur le site Registres matricules Corses aux Archives départementales de Corse-du-Sud.
  3. On peut douter qu'Antoine Marie Marchi ait fait ses études primaires à Chartres plutôt qu'à Antisanti. 
  4. D'autres prêtres originaires d'Antisanti ont fait leurs études au Séminaire de Chartres. Pourquoi ce séminaire ? Est ce dû à la présence de l'oncle de l'abbé Auguste Giuntini, l'abbé Vecchierini, curé à Chaudon, dans l'Eure et Loire ?