A scola di u nostru paese.
On peut penser que, comme cela était souvent le cas dans les paroisses, les moines et les prêtres ont de tous temps propagé les connaissances qu'ils possédaient. Il est un fait que, malgré la faiblesse de l'enseignement, un nombre assez élevé de personnes savait lire et écrire. Cependant, il faudra attendre les années 1762 pour que Jean Jacques Rousseau donne une formidable impulsion à la pédagogie grâce à son livre "Émile ou De l'éducation". Il est vrai qu'il avait été influencé par le système pédagogique du philosophe Anglais John Locke (1632-1704) (2). À cette époque, en Corse, afin de préparer l'avenir, Pascal Paoli fonde l'université de Corte et confie l'instruction publique à l'église. C'est ainsi que les habitants de la piève demandent que les moines de Piedicorte (et de Ghisoni pour la piève de Castello) soient obligés d'enseigner l'humanité, la philosophie et les belles lettres aux enfants et que le curé d'Antisanti et son vice-curato sont responsables de l'instruction des enfants. On reprochera plus tard à ces nombreux curés de n'enseigner qu'à deux ou trois élèves et de les pousser dans la connaissance du latin (3). Ils pourront alors poursuivre des études au séminaire de Bastia ou à celui de Cervione fondé en 1570 par Alexandre Sauli. Pour les plus fortunés, ils poursuivent des études supérieures en Italie, principalement à Pise ou à Florence. Et cela quelques années encore après le rattachement de l'île à l'Académie d'Aix en Provence, en décembre 1814. C'est ainsi qu'en 1837, Pietro Filippo Maccabeo Rinieri, d'Antisanti, est inscrit en Théologie à l'Université de Pise. Deux années plus tard, il est étudiant en droit civil et droit canon (4). C'est encore aux moines que le Tiers-état Corse demande d'assurer l'enseignement dans son cahier de doléances rédigé lors de l'assemblée générale qui se tient le 18 mai 1789 dans l'église des Pères Doctrinaires de Bastia (5) : Objets d'utilité publique
Après que la révolution française de 1789 ait adopté et proclamé le principe de l'enseignement populaire, le Comité d'Instruction publique met en place un système d'instruction publique et d'éducation nationale à travers des rapports, projets, plans s'élaborant autour des idées de démocratie, d'égalité, de laïcité et de mixité. En 1792, dans un projet de décret, le député Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, Marquis de Condorcet, propose (6) :
Les lois et décrets votées dans les années suivantes organisent l'éducation publique (7).
L'église est peu à peu dépossédée de son rôle d'enseignement : alors qu'en 1801, à Pietroso et à Noceta c'est le curé qui instruit les enfants, à Vezzani, le maître d'école est un laïc qui apprend à lire et à écrire à quelques enfants. Ces instituteurs laïcs ont eux-mêmes reçu leur éducation au séminaire et ont renoncé à devenir prêtres comme c'est le cas de Don Antonio Giacobetti à Antisanti en 1814. À cette époque et bien que le nombre des enfants soit élevé (le recensement de 1804 compte 72 garçons et 67 filles de moins de quinze ans à Antisanti), les villages n'emploient qu'un seul instituteur. Cet instituteur est choisi par l'ensemble des habitants et il n'est pas rare que son rôle soit contesté. C'est ainsi que Don Antonio Giacobetti est remplacé par un jeune homme de Ghisoni, Francesco Saverio Giorgi. Cependant, lors du recensement de 1818, Francesco Saverio Giorgi se déclare laboureur. C'est une constante depuis la révolution française, les instituteurs vivent chichement et sont souvent obligés d'exercer un autre métier (8) :
Cette situation se poursuivra jusqu'à la fin du XIXème siècle (9) :
En 1820, le premier inspecteur d'Académie Antoine-Félix Mourre remarque que l'instruction publique en Corse est encore dans les mains de l'Église (3) :
Le 28 Juin 1833, la première grande loi sur l'enseignement primaire est votée à l'instigation de François Guizot (7). Elle est conçue pour écarter les prêtres de l'enseignement:
En 1836, c'est un Giorgi qui loue deux pièces d'habitation à l'étage de sa maison pour un an et pour cinquante francs. En 1837, Lucciardo Lucciardi prend la relève et loue une salle pour cinquante francs. Deux ans plus tard, il concède une deuxième pièce pour le logement de l'instituteur. Le loyer est alors de cinquante-huit francs par an. En 1840, la commune propose d'allouer à l'instituteur Pompée Giuliani une indemnité annuelle de cent francs pourvu qu'il se loge à ses frais et fournisse une salle convenable. Il est entendu aussi que pour son traitement, il percevra la totalité de la subvention du gouvernement. En 1846, le maître d'école du village est Pompée Pancrazzi. À partir de 1850, Joseph-Antoine Giacobetti lui succède; il fera toute sa carrière au village. Son frère Ours-Paul Giacobetti fournit deux chambres pour servir de logement et de salle d'école pour six ans et pour cent francs par an payables par trimestre. Cette dernière est garnie de bancs. C'est à cette même date que les jeunes Antisantaises accèdent à l'instruction sous la férule d'une institutrice dont la salle de classe est installée pour six ans, dans la maison d'Achille Tedeschi. Selon la loi votée la même année, les matières principales enseignées aux filles doivent être les mêmes que celles qui s'adressent aux garçons, à savoir (10) :
Antisanti se trouve ainsi en avance sur son temps car, vers le milieu du XIXème siècle, beaucoup de villages ne possèdent toujours pas d'école de filles. Comme le signale Thomas Forester (11), cet état de fait, courant en Corse à cette époque, est dénoncé par Francesco Costantino Marmocchi (géographe auteur dune "Petite géographie de la Corse") :
Il faudra attendre la loi du 10 avril 1867 pour que les communes de plus de 500 habitants et plus soient tenues d'avoir une école de filles. Ainsi, petit à petit, l'instruction progresse, le nombre d'écoles communales augmente (12) :
Par contre, l'école des filles sera souvent déplacée dans différents maisons du village. De 1872 à 1878, elle se trouve dans la maison de Don Louis Lucciardi, puis dans celle des Vincenti. En 1878, l'école s'installe chez Pierre-Félix Mariani pour une durée de neuf ans. À cette époque, l'école se déroule tous les jours de la semaine sauf le jeudi qui est le jour de repos (conservé jusqu'en 1972), de 8 h à 11 h et de 13 h à 16 h. Les cours débutent et se terminent par la prière (2). Les écoliers qui, au début du XIXème siècle, ne bénéficiaient que de 50 jours de vacances voient ce nombre augmenter année après année (13) ; il sera de 81 jours en 1891. En 1883, Joseph-Antoine Giacobetti, instituteur public à Antisanti, est signalé par le Journal de l'Enseignement Primaire du 26 mai. Il a obtenu pour l'année scolaire 1881-1882, la médaille d'argent, conformément aux dispositions de l'arrêté du 20 juillet 1881. C'est le seul instituteur Corse a obtenir cette décoration cette année là. Au mois de novembre 1886, M. Giacometti, instituteur à Antisanti, est nommé membre de Comité départemental de la Corse par le ministre du commerce et de l’industrie, commissaire général de l’Exposition universelle de 1887. En 1887, Ours-Paul Giacobetti loue trois pièces pour servir de salle de mairie, de salle de conservation d'archives et d'école de filles. L'école y restera jusqu'à 1892. Simon César Sorbella, né le 9 décembre 1855 à Azilone-Ampaza, ancien étudiant à l'école normale d'Ajaccio, qui a épousé en 1888 à Antisanti Élisabeth Franchi dite Élise, fille de François et de Véronique Venturini, alors qu'il était instituteur à Casevecchie, enseigne à Antisanti en 1889. À la fin des années 1890, l'école s'installe dans la propre maison de l'institutrice Madame Claire Giacobetti, née Battaglini, au fond du village, et y occupera une pièce jusqu'au départ à la retraite de cette dernière en 1940. Vers 1897, Joseph Bianconi, est l'instituteur d'Antisanti. L'année suivante, à l'Assemblée Nationale, on évoquera sa disgrâce et sa mutation punitive à Zonza, à cause de ses opinions politiques. Il est remplacé à la rentrée de 1898 par Pierre Jean Giacomoni, né le 25 juillet 1861 à Vero, canton de Bocognano, précédemment instituteur à Castirla, nommé en septembre 1898 à Antisanti avec son épouse, Josephine Calvia, qui enseignait à Vivario. Ils ont la douleur de perdre leur fils, Jean Dominique, décédé le 10 juillet 1899 à Antisanti. Il semble que le couple enseignera à Antisanti jusqu'à l'été 1907. En 1900, une école mixte est construite au hameau de Campo-al-Quercio. Elle porte à 735 le nombre d'écoles publiques que possède le département Corse et à 974 le nombre de classes ouvertes (14). Le village aura son groupe scolaire après 1905, situé dans le presbytère jouxtant l'église, devenu Maison Communale lors de la séparation de l'Église et de l'État. À cette époque l'école du village rassemblait l'école des filles (deux classes enfantines et la classe élémentaire) et l'école des garçons qui comprenait une seule classe. L'une de ces classes est installée dans la propre maison de l'institutrice Madame Claire Giacobetti, née Battaglini, au fond du village, et y occupera une pièce jusqu'au départ à la retraite de cette dernière en 1940.
Certains noms nous ont été livrés par des anciens du village. Ainsi Monsieur Sorbella qui épousa Lisa Franchi, les frères Poli et leurs épouses. Signalons aussi la nomination à la tête de l'école enfantine de Madame Catherine Lucciardi, née Paoli, jusqu'à sa retraite.Enseignèrent encore au village Pauline Guerrini, devenue l'épouse de Félix Giacobi de Campo-al-Quarcio, Natali de Ghisoni, Zamuri de Ghisoni, Paul Pantalacci, Mucchielh de Ghisoni, Ferrali, Pellicini, Jacques Lucciardi et Mademoiselle Lovichi qui enseigna au CP.
Cependant, le nombre d'écoliers commença à diminuer comme dans tous les villages de l'intérieur. À la mutation de Monsieur et Madame Euvrard à Ajaccio fit suite la fermeture d'une classe et la nomination de Monsieur Dominique Altibelli. Du fait de sa mutation au Collège de Morta, il sera remplacé successivement par Madame Pistoresi née Amizet, Monsieur Zuccarelli puis Madame Lapina née Santoni. En 1968, Mademoiselle Fouilleron remplaça monsieur Franchi pendant deux mois. Puis, une nouvelle classe fut supprimée et Monsieur Franchi dirigea la classe unique jusqu'à sa retraite. En 1980, Etienne Cesari est nommé instituteur à Antisanti. Il verra peu à peu l'effectif de sa classe diminuer dangereusement, avant de prendre sa retraite après 22 ans de service au village. Ce sera l'un des derniers enseignants. L'école ferme en 2010.
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