L'évolution de la population


Le premier dénombrement de population que l'on connaisse est celui de la piève de Rogna à la fin du XVème siècle avec 850 feux et 4675 habitants (1).

Car jusqu'au XVIIIème siècle, les recensements sont faits par feux, c'est à dire par famille.

Pour en déduire une indication de population, il faut alors multiplier cette valeur par le nombre de gens qui habitaient sous le même toit. Les auteurs ont pris l'habitude de multiplier par 4 ou 5. Cependant, déjà en 1894, Bardon dénonce ce calcul (2) :

    Multiplier un chiffre, déjà douteux, par un coefficient très contestable, par 5, comme l’ont fait certains historiens ne nous paraît pas œuvre sérieuse.

En effet, alors qu'un célibataire, une veuve ou un veuf comptait pour 1/4 de feu, une famille de 8 personnes comptait seulement pour un feu (voir page du recensement de 1796 ci contre). Ainsi lorsque le nombre de veufs ou de veuves est élevé, le rapport entre nombre d'habitants et nombre de feux peut être aussi faible que 3,6 comme le calcule Dominique Altibelli pour le premier recensement fait par les français en 1769.

Le feu constituait aussi un foyer fiscal au sens où nous le connaissons aujourd'hui. Aussi, là encore, il faut prendre toutes les évaluations avec de grande précautions.

En ce qui concerne Antisanti, on ne connaît pas de valeur de la population avant 1686 et le passage au village du délégué de Mgr Spibo. Ce dernier dénombre cent soixante habitants.

Ce nombre variera peu et aura même tendance à diminuer jusqu'en 1729 avec 109 habitants au village. En effet, toutes les estimations et les valeurs mesurées tant pour Antisanti que pour la Corse montrent qu'à cette époque la population évolue peu à cause de la mortalité due aux guerres, aux épidémies et aux famines. 1729 fut d'ailleurs une année où la famine et la peste firent de nombreuses victimes en Corse.

À la fin juin 1741 est publié le résultat du dénombrement de la population commandé par Maillebois : la Corse compte 339 paroisses, 427 villages, 26 854 feux et 120 389 habitants.

À partir de 1750 la population d'Antisanti recommence à croître avec environ 140 habitants.

La croissance se confirme en 1769 : l'officier chargé du recensement au village dénombre une cinquantaine de feux, pour 189 habitants, dont 41 chefs de famille, 52 femmes, 54 garçons et 42 filles. Soit un coefficient de 3,6 par feu ; valeur qui signale un nombre élevé de veuves.

Car le paludisme frappe plus sévèrement les hommes qui assurent pour la plupart des gros travaux en plein air et en plaine : c'est ce que démontre l'exemple connu d'un village du canton de Serra où l'on comptait, en 1780, 90 veuves dont les maris avaient été victimes du mauvais air d'Aléria.

Durant environ un siècle, la population va s'accroître d'année en année avec un rythme que l'on peut calculer voisin de 7 habitants par an.

Ainsi en 1804, le recensement fait apparaître une population jeune dont 40 % a moins de quinze ans.

Cette croissance de la population résulte d'une fécondité élevée - il naît en moyenne quatorze enfants par an - bien que la mortalité infantile reste forte : les enfants nés en 1801 meurent tous dans l'année, probablement victimes d'une épidémie.

On relève encore d'autres années pour lesquelles le nombre de décès est élevé, en particulier les années 1856, 1870 et 1871 (139 morts au total, dues probablement au choléra importé par les soldats revenant de la guerre de Crimée). D'où une durée de vie qui, au début du XXème siècle, reste très faible et ne dépasse pas 23 ans dans certains cantons Corses (3). Elle est de 23 ans à Biguglia, 25 ans à Aléria, 39 ans à Campana et 41,5 ans à Piedicroce (4).

Les mariages extra communautaires contribuent eux aussi à la croissance de la population antisantaise. Dominique Altibelli a ainsi relevé l'apparition au village de 24 patronymes nouveaux durant le XIXème siècle.

Année après année, la population d'Antisanti atteint un maximum.

En 1857, Antisanti compte 895 habitants (5). Le village est devenu l'un des plus peuplés du canton, peu après Vezzani (980 habitants) mais loin derrière Ghisoni pour lequel on compte 1 593 habitants et qui est le village le plus peuplé de l'arrondissement de Corte. Corte lui même ne compte que 4 926 habitants.

Selon le recensement de 1911, la population d'Antisanti commence à décroître ; on ne dénombre plus que 823 habitants.

Ce déclin a débuté à la fin du XIXème siècle mais il s'accélère avec la guerre de 14 durant laquelle disparaissent 23 jeunes Antisantais mais aussi, après 1920 à cause d'une augmentation de la vague d'émigration masculine et du déclenchement de l'émigration féminine.

C'est ainsi qu'en 1921 on ne recense que 725 habitants à Antisanti (6). Le déficit de population est régulier comme le montre le tracé, on peut calculer ce déficit pour le XXème siècle  à environ 4 habitants par an.

Le recensement de 2008 a fixé le nombre d'habitants de la commune à 395.

  1. Dominique ALTIBELLI, "Antisanti, Mémoire d'un village", cahier N° 2, 3, 4 et 5.
  2. Achille BARDON, "Histoire de la ville d’Alès, de 1250 à 1340", Nîmes, 1894, puis, du même auteur, "Histoire de la ville d’Alès, de 1341 à 1461", Nîmes, 1896.
  3. Pierre CLERGET, "La régénération de la Corse", Revue générale des sciences, Armand Colin Ed., Paris, 1910, T 21, p 94
  4. Alexandre GUASCO, "La misère de la Corse", Questions diplomatiques et coloniales, Henri Pensa Ed., 1909, T. 27, P 581-590
  5. Le point qui correspond à cette population se trouve très éloigné de la courbe, l'écart est voisin de 100 à 150 habitants.
  6. Ministère de l'Intérieur, "Dénombrement de la population. 1921.", Imprimerie Nationale, Paris, 1922.