L'abbé Auguste Guintini


Le journal de l'école U Quaternu dans son numéro 1 publiait un sonnet intitulé Antisanti.

Le premier et le dernier vers montrent combien l'auteur, l'abbé Guintini, était attaché à son village natal :

Entre les plus beaux coins, ce coin est la plus beau
......
et je vibre toujours au nom d'Antisanti

Cependant, son oeuvre est inconnue de la plupart des Antisantais alors que ses écrits, tantôt en prose, tantôt en vers, nous montrent un érudit, un écrivain de talent.

Comme nous l'apprend l'acte d'État Civil dressé le 15 décembre 1888, Auguste Guintini est né à Antisanti, le jour précédent, fils de Ferdinand, propriétaire, âgé de 22 ans, et de Jeanne, née Vecchierini, âgée de 20 ans.

La présentation et la déclaration du nouveau né ont été faites en présence de deux témoins, Xavier Venturini et Antoine François Fabiani, par devant Jacques Jean Fabiani, adjoint, faisant fonction d'Officier d'État Civil.

Faute de biographie, nous ne pouvons parler de son enfance à Antisanti où il a du faire ses études primaires.

Cependant, son livre édité par le Vicaire Général Joseph Costa sous le titre Mélanges, nous dévoile plusieurs périodes de sa vie. Et nous devons aux archives de l'Évêché d'apprendre qu'elle a été sa carrière religieuse.

Il a été baptisé à Antisanti le 25 décembre 1888 et a été confirmé le 4 juin 1902 à La Loupe, diocèse de Chartres. Il a fait ses études secondaires au petit séminaire de Saint Chéron puis, durant la période 1908-1914, il a fréquenté le grand séminaire de Chartres au n°19 de la rue des Jubelines (4 ans).

En 1909, il est ajourné et évite pour un temps le service militaire. L'année suivante, à cause de sa myopie et son astigmatisme, il est classé dans le service auxiliaire. Le 5 octobre, il est dirigé sur le 7ème régiment d'artillerie à pied. Par décision de la commission spéciale d'Ajaccio du 11 octobre 1911, il est maintenu une deuxième année dans le service armé en tant que 2ème canonnier. Enfin, le 25 septembre 1912, il est envoyé en disponibilité avec un certificat de bonne conduite. Dès le 19 décembre 1912, il rejoint Chartres et le Grand séminaire.

Le 1er Août 1914, jour de la déclaration de guerre, il est en vacances au presbytère de Chaudon, dans l'Eure et Loire, prés de son oncle curé et d'une de ses grand-mères.

Dans Souvenirs de Campagne, il raconte son départ, le lendemain, pour le 1er régiment d'artillerie à pied de Fort Sainte Adresse, au Havre, et le voyage mouvementé qui en suivit.

Puis vint le départ pour le Fort de Charlemont, à Givet, dans les Ardennes. Il en racontera la défense à laquelle il participe en tant que soldat de la 28ème batterie et la lente agonie dans un combat sans merci dans un poème intitulé les derniers jours de Charlemont (journées du 29 août au 1er septembre, jour de la reddition). Fait prisonnier le 7 septembre après la chute du fort, il est envoyé en captivité à Friedrichsfeld, camp principal de prisonniers de guerre situé dans la région de Rhénanie du Nord-Westphalie, à proximité d'un village nommé Wesel, au Nord de Duisburg et de Cologne. Ce camp regroupe entre autre une partie de la garnison de Maubeuge. Il n'en sera libéré que le 1er septembre 1918. Il est presque aussitôt incorporé au 26ème régiment d'artillerie. Il devra attendre encore près d'un an avant d'être démobilisé le 11 juillet 1919. Il se retire à Antisanti..

De ses 35 mois passés en captivité il gardera toute sa vie des troubles qui lui vaudront une pension de 10 %.

Sa souffrance transparaît à travers son oeuvre. Le sonnet à sa soeur est poignant. Son Hymne à la Corse est une description précise et coloré de son Île Adorée. Le Miracle de la Marne, appel à Jeanne d'Arc, lui fait écrire : La France est sauvée ... O Miracle.

Il reçoit le diaconat, le 30 octobre 1921, au Grand Séminaire d'Ajaccio, des mains de l'Évêque. Ce jour, dit-il, fut le plus beau de sa vie.

Il est ordonné prêtre le 21 décembre de la même année par Monseigneur Simeone, Évêque de Corse.

Il est successivement nommé vicaire de Cervione, le 25 Janvier 1922, puis curé de Saint-André de Cotone, le 27 décembre 1922 et enfin curé de Pietra-Corbara, le 9 novembre 1927.

En 1928, il publie un recueil de souvenirs intitulé Essais en prose et en Poésie. La directrice du journal Cyrnos, Suzanne d'Aloïs, en fait l'éloge dans sa chronique littéraire (Cyrnos, n°8, août - septembre 1928.) :

M. l’abbé Auguste Guintini, curé de Pietracorbara, publie un recueil de souvenirs intitulé Essais en Prose et en Poésie. En un style rapide et clair, l’auteur, qui y prit part, nous narre ses visions de guerre :
Début des hostilités, marche vers la frontière, Charlemont, les Ardennes, puis, hélas ! l’exil en Allemagne. Nous assistons à des scènes diverses, héroïques ou attristantes, nombreuses en cette tragique période; tout cela noté d’un crayon très juste, retracé avec mouvement et captivant notre attention.
La deuxième partie comprend une pièce en vers, la Résurrection de Lazare; de jolis tableaux de la vie palestinienne, les silhouettes des saintes femmes, Marthe, Marie Madeleine, Suzanne •

Que j’aime cet air frais, ce parfum matinal
Et ces bonnes senteurs qui traversent le val !...
La nature sourit à la sève qui monte,
Aux rives du Jourdain, sur les bords de l’Oronte,
murmure l’une d’entre elles.

"Ego sum Resurrectio et Vita" dit Jésus à la foule.

« Je suis la résurrection et la vie ».
Parents qui répandez, jusques au sang des pleurs
Sur la tombe d’un fils, l’objet de vos douleurs ;
Maris, pâles d'effroi, qui cherchez vos épouses
Reposant sous le roc ou bien sous les pelouses ;
Vierges, dont le regard fixait le fiancé
Jeune et fier de ses ans et maintenant couché ;
Orphelins au berceau, qui n’avez plus de mère,
Dont la fatale mort a ravi votre père.
Ne perdez point espoir !... Je ressusciterai.
A l’heure solennelle où je reparaîtrai,
Ces êtres tant aimés, qui n'auront pas au monde
Offert un cœur impur, une âme vagabonde
ht chantant avec eux Téternelle louange,
Vous goûterez encor un bonheur sans mélange.

En d’autres poèmes héroïques, tels que les Derniers jours de Charlemont, la Voix des Morts, mystiques, comme la Première Communion, où, chantant délicatement la nature, le village natal, l’affection fraternelle, M. l’abbé Giuntini se révèle poète du meilleur aloi.

L'abbé Guintini décède le 5 septembre 1932 dans sa paroisse de Pietra-Corbara, à l'âge de 44 ans.

Il est enterré dans le cimetière d'Antisanti sur la tombe de son oncle, l'abbé Vecchierini.

Son oeuvre, où se mélangent proses et vers, chants et pièces de théâtre, faits historiques, où Dieu, la religion, la Nation, le patriotisme, la guerre, les morts, les personnages historiques ou autres s'entremêlent, nous laisse deviner un homme ardent et complexe.

Il faut citer en particulier le drame en un acte La Victoire écrit à Pietra-Corbara en 1932, où l'auteur apparaît au coté de sa soeur, célébrant, malgré l'horreur des combats, la victoire des chrétiens sur les païens.